Jusqu’au 22 janvier, le musée d’Orsay organise une exposition autour de l’œuvre d’Edvard Munch, peintre norvégien dont l’art a dépassé la simple enceinte d’un musée pour rentrer dans la culture populaire. L’occasion aussi de faire un portrait de celui qui a peint Le Cri ; un être rempli de vie, d’amour et de mort. Son cri est tellement célèbre qu’il est même devenu un emoji.
Une autre exposition à découvrir en ce moment : la Collection moderne et contemporaine du Centre Pompidou.
Description de Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort
« En collaboration avec le musée Munch d’Oslo, le musée d’Orsay consacre une exposition au célèbre peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944) dont l’œuvre dans son ampleur – soixante ans de création – et sa complexité demeure pourtant en partie méconnu. »
Musée d’Orsay
Comprendre Munch grâce à ses autoportraits
Si ses peintures représentatives permettent de comprendre ce qu’était le personnage d’Edvard Munch, ce sont sans doute ses autoportraits qui le représentent le mieux, au sens propre comme au sens figuré. Dans l’Autoportrait à la cigarette, on voit le peintre habillé en dandy fumant une cigarette. Le décor est peint rapidement et peu détaillé, ce qui fait ressortir le sujet principal.
On y voit la dimension bohème et décadente de l’artiste, dans un corps mince qui semble se dissoudre derrière la fumée, dans le décor sombre. Ses yeux sont très expressifs et paraissent montrer le doute, l’angoisse.
Les œuvres de l’exposition qui m’ont marqué
Toutes les œuvres ne m’ont pas marqué évidemment, mais certaines ont retenu mon attention, en voici quelques-unes. Il y a tout d’abord Puberté, qui représente une jeune adolescente assise sur un lit, nue, dont l’interprétation peut être la représentation des angoisses du passage à l’âge adulte. Ce qu’on ressent immédiatement en regardant ce tableau, c’est du malaise, sans qu’on arrive vraiment à l’expliquer.
Il y a aussi Désespoir ou encore Soirée sur l’avenur Karl Johan, qui sont des prémices du fameux Cri, avec respectivement un ciel rouge, un décor posé pour le premier, et les visages cadavériques et apeurés pour le second. Le Cri n’a pas été fait d’un coup de pinceau, par une lancée inspirée, mais est en fait le fruit d’un long travail, d’une longe réflexion.
D’ailleurs, on apprend que dans un carnet de croquis, Munch notait :
« Je marchais sur un chemin avec deux amis. Le soleil était en train de se coucher – le ciel est soudain devenu rouge sang – j’ai éprouvé comme une bouffée de mélancolie – je me suis arrêté, me suis penché sur la rampe, mort de fatigue – j’ai regardé les nuages qui flamboyaient comme sang et épée – le fjord bleu-noir et la ville. Mes amis ont continué – j’étais là, tremblant d’épouvante – et j’ai ressenti comme un grand cri infini à travers la nature »
Carnet de croquis 22 janvier 1892
Munch, un peintre rempli d’amour
Même avec tant d’angoisses « naturelles », Munch est un personnage empli d’amour. Il aime profondément. En 1897 il peint Le Baiser, une pièce de la série La Fise de la vie, qui compte les étapes d’une relation entre un homme et une femme. On y voit un couple s’embrasser et dont les visages fusionnent pour ne former qu’un quitte à en perdre leur identité pour devenir « couple ». Très romantique, pour un homme qui n’a pas eu de chance en amour tout au long de sa vie. Cette composition, bien qu’assez « basique », rappelle fortement Le Baiser, de Klimt cette fois, qui est postérieur. Pour autant, les interprétations possibles sont bien différentes.
On a souvent un souvenir flou des visages des gens qu’on aime, de nos proches, à l’inverse des autres connaissances avec lesquelles on a des relations moins intimes (c’est d’ailleurs peut-être une légende urbaine). Cela, on pourrait aussi le retrouver chez Munch, qui peint fréquemment avec un expressionnisme important des tableaux représentants ses proches, généralement exempts de détails, contrairement à d’autres tableaux représentants des inconnus. C’est loin d’être le cas sur toutes ses œuvres, mais je pense qu’on peut tout de même le noter.
Munch voit la mort et son inéluctabilité, mais pas que. L’opposé de la mélancolie, de la tristesse dont il souffre et de la mort (noirceur), c’est la lumière. Dans Homes se baignant, il met en avant la beauté du corps, la nature comme vitalisante pour l’être. La plus puissante source de lumière à notre disposition, c’est le soleil. Et ça tombe bien, puisque Munch a peint Le Soleil. Un tableau plutôt grand pour l’artiste et qui attire tout de suite le regard lorsqu’on le voit. Il symbolise la beauté de la nature et l’énergie qu’apporte le soleil dans nos vies.
Peut-on être vraiment à l’aise avec la mort ?
Munch voit la mort partout et c’est plutôt normal au vu de son histoire familiale. Mais au fil de sa vie, il est de plus en plus à l’aise avec ce concept, indissociable de la mort. Dans un autre carnet de croquis, il note : « Nous ne mourrons pas, c’est le monde qui nous quitte ». Dans Métabolisme, les morts, les cadavres, nourrissent des arbres, notamment le pommier d’Adam et Eve. Ces mêmes arbres permettent la construction des sociétés. Par leur décomposition, les morts nous nourrissent au sens propre. Les civilisations n’ont pas changé ça, désormais les morts nous nourrissent toujours, mais au sens figuré.
Si Munch se représente à la fin de sa vie squelettique ou en enfer, il semble plus à l’aise avec le concept de la mort : il a vécu une bonne vie. Dans une gravure intitulée Le Mort joyeux. Illustration pour Les Fleurs du Mal, 1896, on voit un squelette être étendu sur ce qui paraît être une pierre tombale. Munch est mort, vive Munch.