Un mois d’une campagne politique éclair, suivie par tous les médias : un événement inédit que la rédaction de France Info a vécue cet été. Dans Service public 2 : Fronts contre Front, Salhia Brakhlia et Mouloud Achour ont glissé leur caméra dans les coulisses de Radio France pour comprendre comment ça fonctionne, le monde « médiatico-politique ». La suite d’un premier documentaire à succès, Service public, consacrée à la dernière élection présidentielle.
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Synopsis de Service public 2 : Fronts contre Front
« Après la dissolution et la sidération, place à l’information. Dans un pays fracturé et polarisé, informer n’a jamais été aussi compliqué. L’opinion a remplacé les faits et le Service Public de l’information est attaqué de toute part. La France traverse un moment de bascule politique. La rédaction de la matinale de France Info aussi. Face à la brutalité du débat, à l’urgence, aux fake news et aux invectives, il faut réussir à choisir un camp : celui de la vérité, des faits et du journalisme. »
Comment ça se passe chez France Info en temps de campagne politique ?
Ce qu’apporte ce documentaire, c’est qu’on y voit ceux qu’on ne voit jamais habituellement : les assistants de production et les journalistes qui aident sur la matinale de France Info. On y voit les gens, on y voit aussi les lieux, les bureaux : peu de fenêtres, souvent du travail quand il fait nuit, le dessous des studios, etc.
Dans Service public 2 : Fronts contre front, la caméra suit les journalistes partout : aux côtés des candidats, que ce soit dans un bel hôtel pour une conférence de presse, ou dans les circonscriptions, pour suivre le tractage. Le montage se fait sur un coin de table, l’enregistrement audio là où on peut. On s’entraîne, on enregistre, on rate, on réécrit, on réenregistre, jusqu’à envoyer le reportage.
La rédaction est chamboulée ce 9 juin 2024 : Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’Assemblée nationale, après la défaite de son camp aux élections européennes. Alors, c’est l’incertitude, pour tout le monde : des politiques aux citoyens, en passant par les journalistes. Peu importe qui gagne, l’événement est inédit et il faut y faire face. Renaud Dély, éditorialiste politique de la chaîne, le reconnaît : « tout est dingue dans cet épisode ». Même son de cloche pour Jean-François Coppé : « c’est la pire campagne que j’ai vu de ma vie. »
Être journaliste le 9 juin 2024, c’est loin d’être évident
Dans un moment politique si dense, si tendu, si important pour les prochaines années, comment arriver à rester journaliste et ne pas (trop) être citoyen ? Dans sa vie professionnelle, quand est-ce qu’on est citoyen, quand est-ce qu’on est journaliste ? Quelle est la responsabilité pour les journalistes en ce temps-là ? Difficile à dire, mais ce qu’on sait, c’est qu’elle est énorme.
D’autant plus que les journalistes sont accusés d’être déconnectés des Français. Dans le cas de France Info, Service public 2 : Fronts contre Front montre un standardiste face aux Français qui appellent prétendument pour poser des questions aux invités politiques. Ils en profitent aussi pour critiquer le traitement médiatique de la chaîne, d’exprimer leurs peurs, leurs inquiétudes, etc.
Les journalistes de France Info, parce qu’il font partie de ce fameux « service public », ont une mission encore plus grande. Rester calme face à un camp RN qui veut privatiser l’audiovisuel public et tout couper, c’est compliqué.
Quelles relations entre personnalités politiques et journalistes ?
Face à la folie qu’est devenue la politique française et face à tous les coups « des politiques », comment arriver à poser les bonnes questions ? On en revient aux basiques : travailler, dur. Chercher, s’informer, écrire, s’entraîner. Puis, poser les questions aux personnalités politiques, quitte à les déranger : c’est peut-être même mieux d’y arriver. Ce sont de bons orateurs après tout, alors tout est dans la déstabilisation.
Là où l’intérêt de Service public 2 : Fronts contre Front se révèle dans toute sa splendeur, c’est dans les relations entre les deux « catégories sociales ». On voit les politiques dans des moments où on ne les voit jamais, dans l’intimité de la séance de maquillage. Suivis jusque-là, ils sont pour certains gênés à la caméra. Gênés parce qu’habituellement, c’est là où ils se confient aux journalistes. Les discussions ont un ton sympathique, mais qui peuvent monter en tension. On comprend que les journalistes aussi ont leur coup à jouer dans ces instants-là : ils cherchent à tirer les vers du nez avant l’interview, de prendre la température hors antenne. Quitte à le faire avec des personnalités qu’on peut détester, mais il faut le faire : c’est leur métier.
On voit même des politiques se croiser entre eux, pour enchaîner les interviews. Le documentaire montre leurs tensions, leurs cordialités, voire leurs provocations. Ils se parlent tous entre eux, pour faire des calculs politiques et préparer les coups d’après. D’autant plus dans le contexte des dernières élections législatives.
Dans Service public 2 : Fronts contre Front, tout le monde est perdu
Le directeur de l’information de Radio France jean-Philippe Baille en est convaincu : « tu vois bien qu’ils sont tendus, qu’ils ont tous la trouille. » Il parle alors des personnalités politiques : elles ne sont pas préparées du tout. Le documentaire les montre dans leurs faiblesses, à un moment très restreint où ils doivent reconnaître qu’ils ne peuvent pas mettre en place ce qu’ils auraient souhaité. Idem pour leur staff, leurs assistants, qui tentent tant bien que mal de construire les fameux éléments de langage.
Sauf que France Info non plus n’était pas prêt. Il a fallu s’adapter aux exigences de l’Arcom, en laissant la parole à chaque camp politique, en respectant le temps de parole. Quitte à sacrifier l’intérêt éditorial : c’est la donne, il faut l’accepter. Le service public a encore montré qu’il sait faire ça, qu’il sait laisser la parole à tout le monde, qu’il sait faire du journalisme qui soit honnête, qui ne fasse pas copain-copain avec les politiques.
Service public 2 : Fronts contre Front non plus n’était pas prêt. Par rapport au premier opus, la qualité paraît moindre. L’image par exemple aurait pu être plus soignée, mais c’est un détail. Ce qui est plus problématique, c’est le son. Parfois, on n’entend pas grand-chose, c’est même à certains moments brouillon, avec trop de bruits de fond. La réalisation a enregistré comme elle pouvait durant ces quelques semaines, puis a monté le documentaire avec ce qu’elle pouvait. La fébrilité, ce n’était pas que pour les responsables politiques ou pour les journalistes : elle est aussi pour ce documentaire. Mais Service public 2 est d’intérêt public, montrant comment ce monde fonctionne au grand jour. Et ça, on en redemande.
Le documentaire est disponible gratuitement en replay sur LCP.