Deux femmes au début des années 90 qui partent le temps d’un week-end. On pouvait s’attendre à une bête histoire de road trip (et ça l’est en un sens), mais Thelma and Louise est tellement plus que ça. Le film de Ridley Scott se montre en réalité profondément féministe et politique, et malheureusement actuel, alors qu’il a plus de trente ans. Attention, spoilers.
Le synopsis de Thelma and Louise
« Deux amies, Thelma et Louise, frustrées par une existence monotone l’une avec son mari, l’autre avec son petit ami, décident de s’offrir un week-end sur les routes magnifiques de l’Arkansas. Premier arrêt, premier saloon, premiers ennuis et tout bascule. Un événement tragique va changer définitivement le cours de leurs vies. »
Allociné
La complémentarité de deux personnages forts : Thelma and Louise
Un road movie, c’est d’abord des personnages et ceux de Thelma et de Louise, respectivement interprétés par Geena Davis et Susan Sarandon mettent les bases du film. La première est mariée et assez réservée, soumise à son mari. Pas inconsciente de sa vie de femme au foyer non, mais plutôt résignée et maladroite. La seconde est plus libre, a des difficultés en amour, une grande soif de liberté et davantage d’assurance. C’est Pierre Richard et Gérard Depardieu (dans La Chèvre par exemple), c’est Astérix et Obélix, c’est Dave Skylark et Aaron Rapoport dans The Interview. Ce n’est pas une dualité, mais surtout une complémentarité.
Un schéma scénaristique assez classique du cinéma, mais Thelma and Louise n’est pas un film assez classique pour ce qu’on ait une impression de déjà vu. Si ça ressort à certains moments, la plupart du temps c’est suffisamment subtil. Et c’est en partie cette complémentarité, ces oppositions dans leurs caractères, mais pas dans leurs valeurs, qui va tout faire déraper.
Les hommes dérapent et font déraper les femmes
Si leur road trip et leur week-end improvisé dérape, ce n’est pas leur faute, du moins pas totalement. C’est la faute d’un homme qui a commis un crime sur Thelma : un viol. Et c’est à cause de ce viol que tout va déraper pour les deux femmes. Louise l’assassine. Si la voiture permet de se déplacer et donc de reprendre le contrôle sur les hommes, c’est aussi le cas du revolver et plus généralement des armes à feu. Deux symboles des États-Unis et du modèle capitaliste.
Ce que montre Thelma and Louise, ce n’est pas seulement que le duo se laisse dépasser par la tournure des événements, mais plutôt la manière dont il reprend le contrôle. Là encore, on a de la subtilité pour se faire surprendre, pour se faire emporter par le film. C’est d’ailleurs l’objectif d’un road movie : nous faire voyager, nous faire vivre une aventure. Ce qui laisse aussi tous les ressorts scénaristiques pour créer du décalage et indéniablement : de l’humour.
Un vrai film de road trip, qui a aussi le bon goût d’être drôle
Mais ne soyez pas totalement inquiets : le film de Ridley Scott s’inscrit parfaitement dans la logique des road movies, des films de road trip. Escales, aventures, imprévus, rencontres : tout y passe et tout est le bienvenu pour créer des rebonds dans l’histoire. Et tout fini par s’imbriquer à la fin de Thelma and Louise, ces éléments scénaristiques sont reliés, et on n’en a pas trop qui sont inutiles au déroulement. Plus qu’un road movie, Thelma and Louise est un film de cavale. Le lieu où Louise et Thelma sont seules, c’est la voiture de Louise, sur la route. Elles sont alors (presque tout le temps) isolées de leurs concitoyens, de leurs connaissances. C’est dans cette voiture que se déroulent les dialogues les plus importants, même sans trop de mots.
En plus de ça, le film se targue même d’être drôle. Alors oui, on peut rigoler de tout le monde dans le film : de Thelma, de Louise. Ce qui ne l’empêche pas d’être féministe : si elles sont drôles, ce n’est pas parce que ce sont des femmes, ce n’est pas nécessairement « malgré elles ». Et surtout, on tourne en dérision les hommes et les situations qu’ils créent.
La mort est une forme de liberté
Comme le chante Poupie dans le morceau Louise et Thelma, « Je vois le vide et j’ai du mal à perdre ». Finalement, le vide dans lequel se sont élancées les deux femmes dans l’ultime scène, celui du canyon et celui de la mort, ne serait pas une fin, pas un échec. Ce serait surtout la liberté, en tout cas l’accès à cette liberté. Coursées par la police, elles ne veulent pas se rendre, après toutes leurs aventures. Ce serait un échec pour elles, un aveu de soumission face à des hommes : les policiers, le mari de Thelma, JD (joué par Brad Pitt), etc.
Au-delà de cette liberté, c’est surtout un moyen pour Thelma and Louise de rester ensemble. Si elles ne peuvent l’être dans la vie, destinées à la prison, alors elles seront liées à jamais par la mort. Un suicide, les visages radieux. La liberté et l’amour, en somme, le « live forever ». Ce n’est alors pas un film sur la mort, mais sur la vie.
Que retenir de Thelma and Louise ?
Dans sa mise en scène, Thelma and Louise ne révolutionne pas le cinéma. Si les images sont magnifiques et que le film est sublime, il y a forcément une part (même minime) de nostalgie, d’esthétique vintage. On a aussi le droit à une superbe bande originale, faite de musiques d’aventure, entraînantes, mais aussi de thèmes plus graves, réellement à l’image (ou plutôt du son) du film. Ce pourquoi le film vaut vraiment le coup, c’est pour sa scène finale. Pas grand-chose de plus, mais c’est déjà énorme. Une scène renforcée par les quelque deux heures précédentes de l’histoire et par le chemin parcouru des deux femmes dans ce laps de temps.
Un autre film féministe à découvrir, mais dans un tout autre style (voir même un style opposé), c’est Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080 Bruxelles, réputé comme étant le meilleur film de tous les temps.