Les Sept Samouraïs

Les Sept Samouraïs : il y a tout et rien à sabrer

Bien sûr qu’Akira Kurosawa est un grand réalisateur de cinéma. Avec Les Sept Samouraïs, il fait preuve d’une merveilleuse simplicité complexe, faisant parler ses images. J’ai été happé par l’épique épopée (longue) de ce film.

Le synopsis de Les Sept Samouraïs

« Dans un Japon médiéval ravagé par des guerres civiles, les paysans sont opprimés par des brigands qui les rançonnent. Une troupe de bandits à cheval s’apprête à attaquer un village mais décide de reporter l’attaque au moment de la prochaine récolte. Un des paysans, Yohei, ayant surpris la discussion entre les bandits, court aussitôt avertir le reste du village. Effondrés, les paysans décident d’engager des samouraïs pour défendre le village. Une entreprise qui n’est pas gagnée d’avance. »

Comment Les Sept Samouraïs montre le deuil des siens

Ce qui m’a avant tout marqué dans Les Sept Samouraïs, ce sont certains plans représentant le deuil des paysans et des samouraïs, de certains samouraïs morts au combat. Spoiler : ils sont quatre à mourir au total. Ils sont enterrés en haut d’une colline du village, au-dessus même des autres tombes des paysans. Leur sabre est planté dans la terre, telle une épée d’Excalibur qu’il serait impossible à retirer. Ils font le lien entre la terre et le ciel. C’est ce que j’aime bien dans ces plans en contre-plongée dans Les Sept Samouraïs, c’est qu’on les représente en haut : ils sont au même niveau que le ciel, comme s’ils y étaient, incarnés par ce qui faisait leur personne en société : leur sabre. Quant à ceux qui sont toujours vivants, ils les regardent en levant la tête, toujours armés, les pieds nus sur la terre. C’est un peu comme s’ils étaient coincés ici, notamment dans ce village pour lequel ils se sont engagés.

Les Sept Samouraïs

L’autre scène qui représente le deuil se déroule un peu plus tôt, c’est lors de la sépulture de Heihachi. Tous les villageois sont réunis, ainsi que ses six compagnons. Les paysans s’inclinent pour rendre hommage au combattant qui s’est montré courageux. Mais pas les samouraïs, qui restent debout. Ce que montre aussi ce plan, c’est qu’entre les paysans et leurs protecteurs, il y a un monde social de différence : d’ailleurs, ces derniers sont montrés au niveau du ciel, proches de Heihachi. Ce qui montre que les samouraïs sont en quelque sorte seuls dans leur deuil : les paysans sont peut-être en quelque sorte hypocrites. Ils font semblant d’être attristés et le montrent particulièrement, mais ne le sont pas réellement. Pour mieux comprendre cela, une vidéo m’a bien aidé :

Le jeu des apparences : une histoire bien ficelée

Pas de couleurs, que du noir et blanc : ainsi, Kurosawa a joué avec les lumières pour changer les teintes et c’est magistralement réussi dans Les Sept Samouraïs. Je suis fan du clair-obscur et il faut dire qu’ici c’est assez bien souligné : les textures des peaux, les teintes des fleurs, la réflexion du métal des armes, tout y est. Ainsi, le réalisateur crée des apparences scéniques, mais aussi scénaristiques. Il a réussi à lier forme et fond, en travaillant sur les deux apparemment, ce qui permet de proposer des images simples, avec beaucoup de plans fixes (ou semi-fixes, avec un mouvement qui s’arrête) et des transitions étranges. Il réussi à allier scènes de bataille épiques et scènes beaucoup plus calmes, versant dans la poésie de l’instant. Le tout dans une simplicité qui n’est pas déconcertante, mais qui au contraire fait la force de Les Sept Samouraïs.

Les Sept Samouraïs

Parce que oui, tout est question d’apparences ici, comme il avait pu le faire avec Rashōmon. Les paysans sont-ils si pauvres et si malheureux que ça ? Kikuchiyo, le pseudo-samouraï arrogant et rigolo (souvent malgré lui), nous prévient : ils sont moins à plaindre que ce qu’ils disent. Et pour cause : petit à petit, indice après indice, on comprend qu’il n’est pas tout à fait un samouraï, et aussi qu’il n’est pas tout à fait différent des paysans. Il est un entre-deux, le lien entre les villageois et leurs protecteurs justement, jusqu’à une révélation finale.

Les Sept Samouraïs

D’un autre côté, les samouraïs ont leur « honneur », qui prend parfois trop de place, qui devient absurde dans la situation de cette guerre. Une gloire à laquelle ils refusent en allant sauver ce village perdu et sous la menace de se faire décimer. En cela, paysans et samouraïs deviennent associés-rivaux : ils ont des intérêts communs, mais pensent différemment le monde. Les Sept Samouraïs les fait passer au-delà de leur vision de la société pour les allier. C’est ce qui apporte beaucoup de nuances au film et d’ailleurs : j’y vois là un parallèle avec Princesse Mononoké, dans lequel il y a aussi un village qui tente de se défendre. Pour finir, l’entracte au milieu du film m’a beaucoup surpris : je n’avais jamais vu ça dans un long-métrage.


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