Bien communiquer

“Bien communiquer” suffit-il à gagner une élection ?

En ce moment a lieu le concours d’admission en master à Sciences Po Lille avec ce soir la remise d’un essai pour les candidats, avec pour sujet : “Bien communiquer suffit-il à gagner une élection ?”. Un sujet bien évidemment au cœur de l’actualité, à quelques jours du premier tour des élections présidentielles. Un sujet qui pose une bonne question : est-ce que finalement la campagne présidentielle, ce ne serait qu’une opération de communication politique ?

Il faut dire que le contexte actuel est très compliqué, on parle même d’une crise de la représentation : comment faire confiance aux candidats lorsque les précédents mandats n’ont pas été convaincants ? D’ailleurs, on s’attend à un abstentionnisme record pour ce scrutin : quatre électeurs sur dix de moins de 35 ans pensent s’abstenir !

Bertrand Usclat, de l’émission parodique Broute sur Canal+, toujours drôle, toujours intelligent. Alors peut-être que la communication politique, en s’adressant aux potentiels électeurs, aux abstentionnistes, permettrait de régler ce problème.

En fait, la communication politique, elle est nécessaire. Sans elle, impossible pour les candidats de parler de leur programme. Si elle peut ne pas suffire, elle est nécessaire. D’ailleurs, on peut faire un raisonnement par l’absurde en disant que ne pas communiquer, c’est communiquer : en ne disant rien on dit en fait quelque chose. Dans le cadre de l’élection présidentielle, “bien communiquer” ne suffit pas pour gagner ni même pour pouvoir se présenter. En effet, pour éviter les candidatures “farfelues”, un potentiel candidat doit réunir 500 parrainages d’élus français et c’est plus facile à dire qu’à faire. Si Philippe Poutou ou Nathalie Arthaud, malgré leur faible score dans les sondages et aux précédentes élections, arrivent à réunir ces parrainages, ce n’est pas seulement parce qu’ils communiquent bien : c’est aussi parce qu’ils ont montré un projet politique cohérent. Christiane Taubira était une bonne communicante et avait réussi à rassembler un certain nombre de citoyens derrière elle, mais c’est peut-être l’absence d’un programme politique ainsi qu’une candidature tardive et bloquante pour la gauche qui l’a empêché de convaincre les élus et donc de se présenter.

Au-delà du simple programme électoral et des mesures proposées, un candidat a besoin de la communication pour gagner. La recherche scientifique s’est rendue compte que les électeurs votent davantage pour une personne et son caractère plutôt que pour son programme et ses idées. En fait notre cerveau simplifie une réalité devenue trop complexe : ce mécanisme, on appelle ça “l’heuristique de jugement”. Donc passer à côté des médias, de la sympathie qu’on peut dégager ou encore de la mise en forme de son programme, c’est sans doute passer à côté de sa campagne. La communication politique est d’ailleurs ce qui a peut-être permis à Emmanuel Macron d’être élu en 2017 : rappelons que son programme avait été vivement critiqué pour son manque de consistance alors même qu’il était très présent médiatiquement.

Alors attention, trop communiquer, ce serait contre-productif. Il y a un jeu qui se dessine en ce moment dans la campagne présidentielle et qui devient de plus en plus important du point de vue des candidats : les sondages. Les chiffres sont scrutés, les évolutions étudiées, le tout pour savoir quelle communication mener afin de prendre en popularité. Le problème, c’est qu’à force de ne s’intéresser qu’à ça, on en perd l’objectif initial : améliorer la vie des Français.

Le sociologue et directeur de recherche au CNRS Dominique Wolton va même plus loin et parle du populisme (4:20) :

Rappelons que le populisme est un “discours politique s’adressant aux classes populaires, fondé sur la critique du système et de ses représentants”. Le populisme n’est pas fondé sur une idéologie, sur des arguments, sur des propositions. Il est assez facile de critiquer le Gouvernement actuel et pas uniquement parce qu’il donne des fonds publics à des entreprises privées pour faire le travail à sa place, mais aussi par principe. Le pire dans tout ça, c’est que ça peut fonctionner et c’est un réel danger pour notre démocratie.

L’une des solutions est peut-être dans l’exercice que je fais aujourd’hui : tenter de faire comprendre la communication politique et les discours des candidats, pour mieux s’en détacher.

Il ne me reste plus qu’à évidemment vous inviter à vous rendre aux urnes ce dimanche prochain et à consulter les programmes des différents candidats. Mis à part le populisme, l’autre grand danger de notre démocratie, c’est l’abstentionnisme, alors j’espère vous voir nombreuses et nombreux ce dimanche.

Comme disait un certain Usul (12:20), il faut prendre la communication politique comme ce qu’elle est, à savoir “une technique disserte sur les moyens mais muette sur les fins”. Parce qu’au fond, la communication politique, ce n’est que de la forme.

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