Tout le monde aime recevoir de l’attention, mais certaines personnes en ont besoin que plus que d’autres. Ce qui peut amener à faire n’importe quoi, quitte à devenir détestable. Dans le film norvégien Sick of Myself, Signe va trop loin, jusqu’à le regretter.
Synopsis de Sick of Myself
« Signe vit dans l’ombre de son petit ami Thomas, à qui tout réussit. En manque d’attention, elle décide de faire croire à son entourage qu’elle est atteinte d’une maladie rare. Mais le mensonge fonctionne un peu trop bien, et elle est vite prise à son propre piège. »
La place de l’attention : comment trouver sa place ?
Loin de parler de maladie de peau, Sick of Myself parle davantage de mal-être. Signe, bien qu’elle soit jeune, qu’elle ait des projets et un entourage sain dans un environnement a priori salutaire, ne va pas bien. Elle ne ressent pas assez l’attention qu’on lui porte, a une envie viscérale qu’on lui porte de l’intérêt.
Est-ce du narcissisme ? Il serait facile de le reconnaître, mais en fait non. C’est réellement du mal-être que ressent Signe. Et ça, la caméra de Kristoffer Borgli le montre très bien. Sans en faire trop, on sait qu’on est dans sa tête, jusqu’à se faire piéger : la ligne entre les deux est parfois tendue et on est ramenés à la réalité, en même temps que le personnage principal.
La rivalité dans un couple est-elle saine ?
Il convient aussi de faire un petit détour dans l’histoire par l’amour entre Signe et son petit ami Thomas, un artiste à qui tout réussi apparemment. Sans qu’elle soit elle-même artiste, elle le jalouse. Elle ne jalouse pas son art, mais bel et bien la réussite qu’il en tire, et surtout l’attention qu’il récupère.
S’en suivent des scènes ubuesques ou chacun essaie de montrer que son succès est plus important que celui de l’autre. Cela passe principalement par le prisme de leurs amis communs et respectifs, qu’ils retrouvent régulièrement autour d’un verre ou lors de soirées. C’est là qu’ils font leur « comédie », jouent, jusqu’à parfois mentir éhontément. C’est d’ailleurs cela que va faire Signe, jusqu’à le regretter, à vie. Mais si tout cela peut paraître comme un jeu au début de Sick of Myself, ce n’en est pas un. S’il y a des moments de tendresse et d’intimité dans le film, ils sont rares et non sincères. C’est à chaque fois l’idée de l’un, mais jamais pour conforter l’autre, uniquement pour se conforter soi-même.
Chacun titre la couverture vers lui, certains en ont besoin
Sick of Myself est un film sarcastique, tellement il nous met devant nos contradictions. Si le personnage de Signe est extrême, chacun pourra s’y reconnaître. Si elle ment, et va beaucoup trop loin, certaines actions, nous les faisons aussi. Nous les faisons pas pour nous-même, mais pour attirer l’attention, mettre la lumière sur soi.
C’est un peu ce que dénonce sur lui-même le rappeur Spider Zed dans son morceau Toute ma vie :
« Presque ravi qu’mes parents divorcent
J’voulais juste être dans l’besoin
J’ai d’jà souhaité du mal à mes proches (proches)
Pour qu’on m’donne des raisons d’me plaindre »
Le divorce de ses parents a créé de la pitié autour de lui. Mais la pitié, c’est une forme d’attention. C’est là aussi ce qu’arrive à créer Signe dans Sick of Myself. Spider Zed est un peu comme Signe, toutefois il a un recul complet sur cela, comme on peut le constater dans sa chanson Comme un lundi :
« Personne n’te r’garde quand tu marches, t’es pas dans un clip
C’est juste d’la merde, nous fait pas croire que c’est un style, ouais ouais »
Et c’est quelque peu la morale de cette comédie dramatique : au final, on peut passer sa vie à vouloir attirer l’attention, sans que cela serve vraiment, et sans que cela soit durable. C’est ce que fait Signe : même à l’hôpital, elle n’oublie pas de se prendre en photo, de poster sur Instagram, pour montrer qu’elle va mal. Ce uniquement pour avoir des messages de soutien, pour qu’on pense à elle et qu’on s’inquiète. Signe est même déçue du nombre de réactions que sa maladie suscite, et peut se mettre à rêver d’une vie plus entourée.
Qu’est-ce qui fait de Sick of Myself un film de cinéma ?
Les répliques du film sont juteuses, tant elles sont remplies de sarcasme, nées de situations ubuesques dans lesquelles s’embarquent les personnages de Signe et de Thomas, à la recherche de reconnaissance. Mais tout cet enrobage et toute cette morale dans Sick of Myself arrivent parfois à en oublier l’essentiel : le cinéma.
Si le jeu d’acteur de Kristine Kujath est excellent, dans son regard hagard notamment, et que le maquillage est impressionnant de fascination (et de dégoût), cela ne sauve pas tout. À certains moments, Sick of Myself perd en intérêt d’un point de vue cinématographique. Soyez rassurés, c’est une critique mineure : le film se regarde très bien, il est prenant comme il faut et est à mourir de rire, de malaise.
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