En ce mois d’août, Arte a diffusé le documentaire HEC, admis sans les codes. Un long métrage qui vise à montrer les étudiants de cette école de commerce qui ne viennent pas des classes bourgeoises et qui « n’ont pas les codes ». Le fait-il bien ?

Le synopsis de HEC, admis sans les codes

« Rien ne prédestinait Isabelle, Tom et Victor à intégrer HEC Paris, une école qui a formé de nombreux ministres, des patrons du CAC 40, et même un ancien président de la République. Victor a grandi près de Marseille et ne connaissait rien au monde des écoles de commerce. Isabelle, qui vient du quartier Olympiades à Paris et rêvait d’être footballeuse professionnelle, est la première de sa famille à poursuivre des études après le bac. Depuis qu’il a 14 ans, Tom, lui, travaille chaque week-end comme poissonnier sur l’étal que tient sa mère dans un marché couvert du Val d’Oise. Pour ces jeunes, l’arrivée à HEC s’avère un brutal changement de monde et marque le début d’un voyage accéléré d’un bout à l’autre de l’échelle sociale. »

Montrer les étudiants « pas comme les autres » de HEC, c’est important

C’est la grande force de ce documentaire : pour régler les disparités sociales, il faut tout d’abord les montrer. Mettre en lumière des parcours de jeunes étudiants et étudiantes issus de milieux parfois modestes et/ou en banlieue, c’est important. C’est le premier facteur d’inspiration pour celles et ceux qui rêveraient d’intégrer HEC et compagnie. Il faut montrer ces transfuges de classe pour montrer qu’ils sont possibles, mais surtout qu’ils sont une exception. Cela n’arrive quasiment jamais, parce que pour beaucoup, ils n’ont pas de moyens financiers.

Mais au-delà du capital économique, il y a aussi le capital social et culturel. Ces étudiants n’ont pas les codes, ignorent comment les écoles de commerce fonctionnent et c’est pour ça qu’ils sont peu à les intégrer. C’est d’autant plus vrai pour de grandes écoles comme HEC ou l’ESSEC. Et si ces thématiques vous intéressent, vous devriez regarder le film La Voie royale (avec Suzanne Jouannet dans le rôle principal, qu’on voit aussi dans L’Épreuve du feu).

Et la question du capitalisme dans tout ça ?

C’est cliché d’accuser le capitalisme dans un tel documentaire, mais cette question pas abordée m’a sautée aux yeux. Certes, on montre des parcours, des réflexions de jeunes gens, parfois jusqu’à avoir un ton dépriment. Le vrai problème ce HEC, admis sans les codes, c’est de ne pas parler du pourquoi est-ce que c’est comme ça et de comment on fait pour changer les choses. Y compris lorsque c’est uniquement pour aider les étudiants à s’accommoder de leur double identité. Ce qui rend le documentaire de temps en temps plat, sans grand intérêt : il décrit des problématiques qu’on connaît déjà.

Le mot est gros, mais il faut le dire, ça manque d’analyse sociologique. Le documentaire s’en approche à plusieurs reprises, mais sans aller jusqu’au bout. Le problème est peut-être de n’avoir que fait récolter des témoignages d’étudiants, sans les analyser derrière. Ce qu’on remarque avec le montage, qui rend les interventions presque anecdotiques.

Ce qui m’attriste aussi, c’est le sarcasme des étudiants interrogés : on a l’impression qu’ils ont souhaité intégrer HEC non pas pour l’amour du commerce et des affaires, mais pour seulement changer de classe sociale. Passer à la couche supérieure, gagner de l’argent et de la reconnaissance sociale. Ce qui montre aussi à quel point ils sont opprimés et aliénés à cause de leurs conditions de vie de départ. Que va-t-il se passer ? Ils vont rentrer dans le moule et reproduire ce qu’ils ont connu à HEC, via le réseau alumni et toute la valeur sociale et économique qu’ils tireront de leurs futurs emplois. Quitte à continuer d’être opprimés dans leur vie future.

Le documentaire HEC, admis sans les codes est disponible sur Arte.tv et sur YouTube jusqu’au 18 septembre 2025, gratuitement.