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Riverboom : comment raconter un road-trip en Afghanistan en 2002

Riverboom

En 2002, le photographe suisse Claude Baechtold part pour l’Afghanistan pour filmer le voyage du journaliste Serge Michel, venu constater les répercussions de la Pax Americana, jusqu’à la Riverboom. À travers l’objectif de son petit caméscope, il nous embarque dans un buddy movie mélangeant comédie, documentaire, deuil, guerre et surtout, humanisme.

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Synopsis de Riverboom

« En 2002, Claude Baechtold, après avoir eu quelques expériences en tant que photographe, se voit proposer par le journaliste Serge Michel, de l’accompagner en Afghanistan pour que ce dernier retrouve le photographe de guerre Paolo Woods et puisse effectuer des enquêtes sur la situation du pays. Arrivé en Afghanistan, Paolo et Serge se retrouvent, Claude doit donc retourner chez lui car il n’y a pas besoin de deux photographes. À cause de divers problèmes, il ne pourra pas prendre l’avion et retournera voir Serge, qui lui conseille alors de récupérer une caméra et de filmer ce qu’il se passe durant leur périple. Ni une, ni deux, Claude s’arme d’une caméra et commence à documenter toutes les actions de leur groupe, dont le passage de la rivière Boom, une rivière qui permettra à Claude de faire un deuil. »

Comprendre la situation de l’Afghanistan en 2002

Alors oui, dans Riverboom il y a un nombre incalculable de gags et de vannes, mais ce n’est pas que ça. Le documentaire est avant tout une formidable opportunité de comprendre (ou de recomprendre) la situation de l’Afghanistan en 2002, après les attentats du 11 septembre. Entre le départ des talibans, le retour des chefs de guerre isolés, l’impossibilité pour le gouvernement de faire autorité et les Américains qui s’enlisent dans le conflit (comme les Soviétiques quinze ans auparavant), il y a de quoi dire.

Pour cela, tout y passe : cartes, photographies, voix-off et même sarcasme. Le documentaire se révèle aussi être une brillante œuvre pédagogique mélangeant documentaire, storytelling et voyage. De quoi montrer l’absurdité de l’armée américaine, plutôt bourrine dans sa définition de la démocratie.

C’est comment d’être reporter de guerre ?

Autre dimension de Riverboom qui se montre captivante : le film raconte ce que c’est que d’être reporter de guerre, ou photographe de guerre. Les galères que c’est d’arriver, de circuler et même de repartir. Comme le film Vivants, on comprend mieux les rouages du métier, mais aussi le fait que les journalistes sont comme tout le monde.

Serge Michel et Paolo Woods, les deux journalistes plus expérimentés que Claude Baechtold, sont certes très compétents, mais ont aussi leurs failles, leurs doutes, leurs hésitations. Grâce au fait que Claude Baechtold ait tout filmé (ou presque), on a des archives de cela, qui montrent ce qu’est réellement le métier : on a les coulisses sans filtre. Ce qu’on n’a jamais dans un grand quotidien national ou au JT de 20 heures à la télévision.

Un buddy movie façon vlog rythmé

Claude Baechtold, Serge Michel et Paolo Woods : trois Suisses, qui partent en voiture au fin fond de l’Afghanistan. Riberboom est en plus de tout ça un buddy movie, avec trois personnalités différentes et décrites au début du récit. L’une des affiches du film en témoigne : on y voit les trois protagonistes se laver les dents, qui se prennent en photo dans un miroir.

Ce sont eux qui sont mis en avant, leur histoire dans ce pays si particulier pour eux. Ils sont opposés du point de vue du caractère, de la méthode et même de leur mode de vie. Pourtant, c’est ce qui fait tout leur charme et grâce aux blagues du narrateur (Claude Baechtold), on se laisse totalement emporter dans le film.

Riverboom, c’est aussi une histoire de deuil et d’introspection

C’est peut-être la dimension la moins « convaincante », en ce sens qu’elle sort un peu du récit et qu’elle se rattache à la vie personnelle de Claude Baechtold en Suisse. Pour autant, difficile de lui en vouloir : il aborde aussi ici le deuil de ses parents, décédés dans un accident de voiture. Avec Riverboom, il invoque des réminiscences de ses parents, s’imaginent ce qu’ils pourraient lui dire alors qu’il est au bord de la Riverboom. C’est en fait une rivière perdue dans le pays où nos trois amis sont restés bloqués une nuit : c’est ce nom qui sera décidé pour la maison d’édition fondée par eux-mêmes.

Le réalisateur a en fait mis tout de lui dans son film est c’est aussi ce qui participe à son charme. Il fait sa biographie, pour raconter pourquoi il a été amené à partir en Afghanistan en 2002. Il raconte aussi ce qu’il s’est passé pour ses compères et lui après. Famille, amis, réflexions, introspection : on voit tout. Le deuil est finalement une étape qui permet au personnage principal du film d’avancer dans sa propre vie, laissé par ses parents.

Riverboom : un documentaire attachant qui se regarde comme un film de comédie

Finalement, Riverboom est presque un Montre jamais ça à personne, sauf que là, Clément Cotentin est journaliste de guerre. De vieilles images, presque perdues, mais retrouvées, qui ne devaient jamais servir, sauf « au cas où ». Pas de filtre, un montage très rythmé parfois. Beaucoup l’ont dit : ce documentaire est un « ovni cinématographique », et je dois reconnaître que je suis d’accord avec cette métaphore. Je n’avais jamais vu de tel documentaire de comédie et pourtant j’ai été happé. J’en redemanderai indéfiniment.

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