Vivants, c’est un film qui parle de ceux qui nous filment tous les jours, de ceux qui nous informent : les journalistes. Mais comment est-ce qu’eux vivent ? Comment est-ce qu’ils interagissent entre eux au sein d’une rédaction ? C’est ce qu’Alix Delaporte tente d’expliquer dans son dernier long métrage.
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Synopsis de Vivants
« Gabrielle, 30 ans, intègre une prestigieuse émission de reportages. Elle doit très vite trouver sa place au sein d’une équipe de grands reporters. Malgré l’engagement de Vincent, leur rédacteur en chef, ils sont confrontés au quotidien d’un métier qui change, avec des moyens toujours plus réduits, face aux nouveaux canaux de l’information. Habités par leur passion pour la recherche de la vérité, leur sens de l’humour et de la solidarité, ils vont tout tenter pour retrouver la foi de leurs débuts et se réinventer. »
Allociné
Un huit-clos sur le terrain pour mieux développer les personnages
C’est assez particulier, mais selon moi, Vivants est un « huit-clos sur le terrain ». En fait, le film développe très principalement ses personnages, à savoir Gabrielle, Vincent, Damien, Camille, Alex et Kosta. Ces six personnages n’interagissent que très peu avec d’autres personnages, ils parlent en très grande majorité entre eux. Pour autant, ils se déplacent : hôpital, pays étrangers, fashion week, rues de Paris, plateau de télévision, etc. Ils voyagent bien plus que la plupart d’entre nous, discutent avec énormément de personnes chaque jour et pourtant, Vivants ne nous montre que leurs interactions. Un parti pris du film complètement assumé et ça fonctionne parfaitement.
De quoi développer les personnages autour d’une famille : l’agence de presse. Et ce peu importe les genres, origines sociales, études ou âges des personnages. Alix Delaporte en a même fait des sortes de journalistes types :
- Gabrielle : la jeune journaliste sortie d’études, qui n’a pas fait les grandes écoles et qui cherche à se débrouiller
- Vincent : le rédacteur en chef, vieux de la vieille, qui a parcouru le monde, un débrouillard qui n’a jamais étudié le journalisme
- Damien : le journaliste chevronné, souvent sur les conflits armés, un grand reporter
- Camille : la journaliste qui n’a jamais eu de vraie vie de famille au profit de son travail et de son amour pour l’information
- Alex : journaliste depuis quelques années, issu d’une famille bourgeoise et qui a probablement fait une grande école
- Kosta : journaliste expérimenté, du genre à être brillant sans qu’on ne le voie travailler, rongé par son travail
Quid de la mise en scène ?
Hélas, tout ce dispositif est peut-être trop lourd pour la mise en scène. C’est extrêmement flagrant, mais tout le film n’est qu’une succession de champ-contrechamp, tellement que ça peut en devenir assez ennuyant. Et c’est ça qui rend assez passable Vivants, alors que le terrain était propice. Les journalistes produisent des reportages et Gabrielle est même chargée de filmer. Filmer une personne qui filme aurait sans doute pu être mieux exploité.
Ce serait mentir de dire qu’il n’y a que ça. Il y a effectivement une scène mémorable sur… la mise en scène. Pas réellement un spoil, mais c’est lorsque Gabrielle regarde en salle de montage les images filmées par un collègue sur une zone de guerre. Sans nous le montrer, on sait ce qu’il s’est passé de l’autre côté de l’objectif. Ça, c’est fort.
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Vivants a-t-il été trop timide dans son approche du journalisme ?
D’où vient le titre du film ? Est-on d’autant plus vivant lorsqu’on côtoie des vivants, ou au contraire lorsqu’on se rapproche de l’horreur et des morts sur les champs de guerre. Est-ce que « faire du terrain » en tant que journaliste nous éloigne des proches pour mieux s’en rapprocher ? C’est sans doute un peu de tout ça.
Mais difficile de ne pas se poser de vraies questions sur le film en lui-même et non sur son sujet. J’ai assisté à une projection en avant-première en présence d’une salle composée en majorité d’étudiants en journalisme. Et les questions qui ont suivi la projection étaient quelque peu en décalage avec Alixe Delaporte. Si elle y a très bien répondu, le malaise était sans doute palpable. En fait, à plusieurs moments, Vivants sous-entend la violence dans les rédactions, notamment envers les femmes. Il parle aussi des conditions de travail difficile, du manque de moyens et de protection, du fait de se laisser du temps à côté, de la difficulté à étudier dans ce domaine et à se faire une place. Pourtant, il ne fait qu’effleurer ces sujets qui sont pourtant primordiaux pour les générations futures de journalistes. C’est là que la durée du film peut questionner : fallait-il au moins deux heures pour développer ces thématiques ? Selon Alix Delaporte, c’est surtout un écart générationnel : elle a filmé Vivants comme elle voyait la profession, pas comme elle voulait qu’on la voie. Comme Zola, elle a sa vision du journalisme, mais qui n’est peut-être plus actuelle.
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