j'ai tout entendu

« J’ai tout entendu » de G. Dan Gearino : le sourd-muet qui ne l’était pas (du tout)

Et si un homme se faisait passer pour un sourd-muet ? N’est-ce pas à ceux qui ne peuvent rien dire que l’on confie nos plus grands secrets ? Et si ce sourd pouvait entendre, et dire un jour « j’ai tout entendu » ? Ce sont les questions auxquelles répond G. Dan Gearino dans un roman qui fait souffler, dans le bon sens du terme, comme l’explique cette critique.

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Synopsis de J’ai tout entendu

« Je n’ai pas prononcé un seul mot depuis le matin où je suis descendu du car à Barrington, il y a cinquante-deux ans. J’avais dix ans, et ma mère venait de se volatiliser au beau milieu de la nuit. Depuis, elle n’a plus jamais donné signe de vie […]. Tout le monde ici vous dirait que je suis sourd-muet. Rien de plus faux. En réalité, j’ai entendu tout ce qui en valait la peine dans cette ville. » Les confidences qui vont suivre dévoilent une ville du sud des États-Unis pourrie par l’argent, l’ambition et la xénophobie.

Ce qu’on recherche tous : sa vocation

Ce roman est avant tout une histoire de vocation. En fait, Dan Gearino prend pour prétexte le concept absurde d’un faux sourd-muet, arrivé dans une gare enfant, qui a grandi dans cette gare sans jamais vraiment la quitter. Mais si l’on parle beaucoup de Sammy, on parle autant, voire plus, des autres personnages. À Barrington comme partout ailleurs, tout serait une question de survie : « il me semble absurde de se fixer d’entrée de jeu un idéal à atteindre, alors qu’il suffit simplement de survivre assez longtemps pour découvrir sa vocation. Les gens les plus heureux que je connaisse sont ceux qui ont laissé éclore leur talent. »

Il en va même d’une thématique plus grave, plus « suprême » : celle de la mort. Et on peut dire que Sammy a eu le temps, l’espace d’y penser, ou peut-être sont-ce les pensées de l’auteur avec ses mots, les faisant passer par son personnage principal : « si on ne peut pas rire de la mort, alors à quoi ça rime de vivre ? La plupart des gens n’ont pas la bonne attitude vis-à-vis de la mort : ce n’est pas parce qu’ils la traitent avec respect qu’elle les épargnera. Il n’y a rien à faire, des milliards d’individus en ont déjà fait les frais. D’ailleurs, elle est bien souvent le terme heureux d’une vie malheureuse. » D’ailleurs, l’humour est une dimension importante du livre : sans éclater de rire, on se surprend à souffler du nez à plusieurs passages, par le biais de Sammy et de ses yeux (et ses oreilles finalement), à rire des situations qui arrivent aux personnages, aux synchronisations d’actions qui créent d’autres situations absurdes.

Pourquoi on parle aux sourds-muets comme Sammy, le personnage principal de J’ai tout entendu ?

Se confier à un sourd-muet comme le font nombre de personnages dans J’ai tout entendu, c’est aussi en quelque sorte se parler à soi-même : « Les gens disent parfois aux sourds-muets des choses qu’ils ne confieraient à personne d’autre. Ça n’est pas aussi absurde qu’il n’y paraît. Certes, un sourd-muet n’entend pas, mais son interlocuteur se parle généralement à soi-même. C’est la thérapie rêvée : vous pouvez soulager votre conscience sans qu’un psy vous demande si vous avez envie de coucher avec votre mère. »

Et c’est bien là que réside tout le sel de J’ai tout entendu. Grâce à Sammy, on assouvit ses envies de voyeurisme, comme si on était une petite souris qui entend des secrets que personne ne doit connaître. Et justement, Sammy, ces secrets qu’on lui confie, il s’en sert, pour améliorer (un petit peu) sa propre vie, rétablir une justice dans un Barrington trop étriqué et souvent injuste. Ne vous y méprenez pas : Sammy, bien que sa vie puisse désoler, n’est pas malheureux, loin de là. D’autant plus que le personnage n’est pas le plus pieux qui soit, même dans la comédie inventée par G. Dan Gearino.

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Sans être une grande œuvre de littérature (et sans en avoir l’ambition), J’ai tout entendu se montre assez rafraîchissant et divertissant, à destination des commères qui aiment bien tout savoir, de ceux happés par le « concept » de l’histoire, ou encore de ceux qui veulent passer un bon moment avec un bouquin sans se prendre la tête, avec un style d’écriture très simple.


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