Lors de la dernière campagne présidentielle, Eric Zemmour a multiplié les discours et est depuis des années très présent médiatiquement. La sémiologue Cécile Alduy a décortiqué livres et déclarations pour écrire La Langue de Zemmour. Un petit essai à propos de la rhétorique de l’homme médiatico-politique d’extrême-droite où elle décrypte la façon dont Eric Zemmour utiliser le langage comme une arme, notamment en vidant les mots de leur sens pour en y installer d’autres.
Synopsis de La Langue de Zemmour
« Eric Zemmour utilise les mots comme des armes. Et d’abord contre la langue elle-même. Sous sa plume, le sens se brouille, les concepts politiques s’inversent, l’ironie et le grotesque attaquent comme un acide les valeurs humanistes. La torsion des mots et de l’histoire y est la norme. L’obsession raciale omniprésente. Pourtant ses fictions fascinent…Pourquoi ? »
Pour en savoir plus sur ce livre, je vous conseille d’écouter cette interview de l’autrice Cécile Alduy au micro de Sonia Devillers dans L’Instant M sur France Inter :
Un vocabulaire guerrier : les mots aussi sont des armes
Pour introduire son essai, l’autrice aborde une thématique chère à Eric Zemmour : la guerre. Cette guerre, elle est d’abord un registre lexical. Dans ses discours, il utilise un langage guerrier, parce que c’est peut-être une lubie, une envie d’assouvir des pulsions viriles, masculinistes, une envie de pouvoir et de contrôle. C’est aussi une méthode rhétorique efficace pour donner une vision manichéenne de la France. Avec lui, on doit forcément être d’accord et ce qu’il dit doit nous révolter, nous mobiliser, nous faire se battre. Et ces actions-là, elles enlèvent ce qu’on a de très cher : la réflexion, la prise de recul, le consensus. Une stratégie de communication qu’il utilise notamment lors des débats, comme lors de l’émission Face à Baba avec Jean-Luc Mélenchon en janvier 2022.
Par la suite, Cécile Alduy développe une analyse qui va la mener à comprendre la stratégie sémiotique d’Eric Zemmour :
« Lexique, grammaire, style, ton, citations et figures de pensée insufflent dans la langue même une vision binaire du monde et des êtres et manipulent les passions. Ce discours fabrique un monde alternatif cohérent, structuré, clos sur lui-même, qui se donne les apparences de la scientificité et du vrai. Il invalide à l’avance toute pensée autre, et annule du même coup tout débat.
Dans cette « guerre culturelle » assumée, Éric Zemmour utilise les mots comme des armes. Et d’abord contre la langue elle-même »
La Langue de Zemmour
La Langue de Zemmour, ce n’est pas tout à fait le Français
Pour quelqu’un qui se revendique de de Gaulle, pour quelqu’un qui se dit Républicain, Eric Zemmour n’est peut-être pas le plus honnête. Il écrit « égalité » entre guillemets, alors qu’elle est une composante de notre devise, une valeur fondamentale de notre République.
Comme l’explique Cécile Alduy dans son ouvrage, Eric Zemmour ne vide pas vraiment les mots de leur sens. En réalité, il met de côté leur contexte et leurs connotations. Il enlève le mythe des mots. Cela permet de remettre en cause leur utilisation par ses adversaires politiques et rhétoriques, mais aussi d’en utiliser certains choquants pour les banaliser. C’est une manière de rendre acceptables ses idées en les intégrant dans la fenêtre d’Overton. Cette manipulation de l’opinion est une tactique utilisée notamment sur Wikipédia par une cellule pro-Zemmour qui serait liée à ses équipes de campagne, si l’on en croit le livre Au cœur du Z.
Eric Zemmour n’est pas un patriote : s’il l’était, il utiliserait la langue française telle qu’elle l’est. Au lieu de ça, il est nationaliste et prône des valeurs d’extrême-droite, quitte à modifier la langue pour créer La Langue de Zemmour. Dans son court essai, Cécile Alduy déconstruit très efficacement cette stratégie, à coups d’idéologie politique, mais aussi avec ce qu’elle sait faire de mieux et ce pourquoi elle est reconnue : de la sémiotique. En moins de cinquante pages, le pari est réussi : La Langue de Zemmour, ça se lit rapidement et facilement.