Par Michel Gondry, le réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind est revenu au cinéma français avec Le Livre des solutions. Un film qui veut aider tout un chacun à réaliser n’importe quels projets. Mais le personnage principal en est-il vraiment capable ?
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Synopsis de Le Livre des solutions
« Marc s’enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes pour finir son film chez sa tante Denise. Sur place, sa créativité se manifeste par un million d’idées qui le plongent dans un drôle de chaos. Marc se lance alors dans l’écriture du Livre des Solutions, un guide de conseils pratiques qui pourrait bien être la solution à tous ses problèmes… »
Allociné
Encore un film de cinéma… sur le cinéma
La problématique du film est avant tout la réalisation de films : c’est l’objectif de Marc Becker, le personnage principal du film, joué par Pierre Niney. Mais c’est avant tout l’histoire de Michel Gondry lui-même : ses films le prouvent par leur créativité, leur originalité, tant dans les histoires que dans les mises en scène. Le réalisateur le reconnaît lui-même : c’est quelque part une sorte d’auto-portrait de lui-même. Celui d’un artiste désabusé par des producteurs cupides, qui a du mal à faire des choix qui vont à l’encontre de sa vision. Le Livre des solutions s’inscrit cependant dans un style plus plat : ce qui fait son originalité, c’est étonnamment les décors qui font corps avec l’histoire. C’est le cas du camiontage, un camion de montage, bricolé par Marc.
Le problème, c’est que l’industrie du cinéma commence quelque peu à tourner en rond (au sens figuré, puisqu’au sens propre, elle tourne avec une caméra). Du cinéma sur le cinéma, depuis plusieurs mois on en entend (presque) trop parler. Empire of Light, The Fabelmans, ou encore Babylon. Mais la tendance remonte évidemment à plus longtemps : Singing in the Rain ou encore Once Upon a Time… in Hollyood en parlaient déjà. À l’instar du morceau Sur un nouvel album de Vald (présent sur l’album V), c’est certes très intéressant, mais ce ne sont pas les produits culturels « metas » qu’on retiendra le plus (d’autant qu’ils sont souvent pleins de nostalgie).
Pierre Niney à fond dans son rôle de réalisateur insupportable
Néanmoins, Le Livre des solutions arrive à tirer quelque peu son épingle du jeu par… le jeu de Pierre Niney. Celui d’un réalisateur sans succès, avec des problèmes de santé mentale, qui se sent mal dans sa peau et qui se montre exécrable avec les autres. La nuance est cependant apportée sur un plateau, puisqu’on comprend rapidement que Marc Becker n’a pas mauvais fond, au contraire.
Difficile pour ma part de savoir si les troubles, probablement bipolaires, dont souffre Marc sont bien représentés à l’écran. Le film tourne d’ailleurs quelque peu en rond parfois, à coups de « Marc veut quelque chose et insiste pour l’avoir rapidement », « Marc harcèle ses collègues et amis », « Ces derniers se sentent dépassés et irrespectés et le font savoir » et « Marc s’excuse et tout revient dans l’ordre ». C’est peut-être la seule redondance que je vois dans le film. Aussi, cela laisse moins de place aux autres personnages, mais c’est peut-être aussi parce que Le Livre des solutions choisi résolument de se placer du point de vue de Marc. Dans certaines scènes, le rythme et l’enchaînement des plans semble se calquer sur ce que vit et ressent Marc. C’est là qu’il arrive à développer toute sa puissance et c’est surtout ce point qu’il aurait fallu davantage insister.
Le problème avec les projets de vie
Avoir des idées de projets : faire un film, écrire un livre, rénover une maison, se lancer dans de la cuisine, fabriquer une chaise… Tout cela, tout un chacun peut se lancer là-dedans. Pourtant, très vite, la lassitude peut prendre le dessus. C’est ce qu’il peut se passer chez beaucoup de personnes, y compris chez moi-même. Ce ne sont pas les idées qui manquent, mais surtout la motivation. Le Livre des solutions aurait très bien pu parler de la recherche de ses passions profondes, mais a choisi d’aller sur un autre terrain. Celui où elle est déjà trouvée (le cinéma), mais qu’elle est parasitée par d’autres passions éphémères.
La vraie question que traite Le Livre des solutions, c’est celle de l’aboutissement des projets. Marc sait très bien comment en débuter, beaucoup moins comment en terminer. Et attention spoiler : même son film, qu’il déploie tant d’efforts à réaliser, il ne le termine jamais vraiment, en refusant systématiquement de regarder le montage final. Ce qui est dommage, c’est qu’en fait, le film ne donne aucune solution sur comment achever un « projet ».
Le Livre des solutions pourrait-il réellement exister ?
Peut-être que le livre, en tant qu’objet physique, en tant que réalisation littéraire, n’est pas une ressource assez utilisée dans le film, simplement un fil rouge des étapes de réflexion du personnage principal. Y compris dans la mise en scène, c’est assez pauvre comparé à ce que peut nous proposer Michel Gondry. Certains conseils sont très basiques et on a parfois l’impression de voir ce qu’on entendrait dans n’importe quelle vidéo de développement personnel.
C’est dommage, puisque ça retire une certaine profondeur au film. Alors, pour des enfants, cela peut évidemment leur donner de très bonnes idées, les motiver à être plus créatifs, plus imaginatifs, mais l’intérêt ne va pas bien plus loin. Dire que Le Livre des solutions est un mauvais film serait de la mauvaise foi. Mais disons qu’il manque parfois une étincelle, que même le jeu de Pierre Niney ou que l’imagination de Michel Gondry n’arrivent pas à déclencher.