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Les Affranchis : tout fini par être payé

Les Affranchis de Martin Scorsese est souvent décrit comme le meilleur film de gangsters de tous les temps. Entre une histoire prenante, une mise en scène contrôlée du début à la fin et un rythme qui s’accélère, il a tout d’un chef-d’œuvre, mais en est-il réellement un ?

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Synopsis de Les Affranchis

« Depuis sa plus tendre enfance, Henry Hill, né d’un père irlandais et d’une mère sicilienne, veut devenir gangster et appartenir à la Mafia. Adolescent dans les années cinquante, il commence par travailler pour le compte de Paul Cicero et voue une grande admiration pour Jimmy Conway, qui a fait du détournement de camions sa grande spécialité. Lucide et ambitieux, il contribue au casse des entrepôts de l’aéroport d’Idlewild et épouse Karen, une jeune Juive qu’il trompe régulièrement. Mais son implication dans le trafic de drogue le fera plonger… »

La mafia est-elle une secte ?

Ce qui marque rapidement dans Les Affranchis, c’est à quel point la mafia, ou l’organisation, ressemble à une secte. Codes, style vestimentaire, modes de vie, enfermement sur soi-même, vie des femmes et des enfants à la maison… Tout y est et les mécanismes d’une secte sont plus ou moins tous là, entérinés par un code d’honneur, le lien du sang et une hiérarchie précise.

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Dans la mise en scène aussi, cela se voit, on nous le montre. Les plans larges sont rares et ne sont pas souvent relatifs à la vie en communauté mafieuse. Les femmes et les enfants sont presque intégralement filmés dans des lieux clos uniquement : maison, restaurant, bar, mais jamais vraiment dehors, ou alors la porte ouverte.

Quelle place pour l’amour dans un environnement de haine ?

Henry Hill est-il réellement amoureux de sa femme Karen ? On pourrait facilement penser que nom : il a continuellement une petite amie avec qui il sort et chez qui il va, il n’est jamais disponible pour sa femme et ses deux filles ne sont que très rarement présente.

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Mais le film est peut-être plus profond que cela, il ne montre pas un gangster insensible. C’est affiché dès le début de Les Affranchis : Henry est un mordu de crime, avide de pouvoir. Même l’amour d’une femme et de ses enfants ne l’arrête pas dans sa course.

L’argent amène au pouvoir, le pouvoir amène… à plus de pouvoir, mais jusqu’à ne plus en pouvoir ?

Le personnage principal du film Les Affranchis ne rêve que d’une chose, et ce, depuis tout petit : du pouvoir. Il se veut supérieur aux autres, les contrôler et par-dessus tout se faire respecter. Pour cela, rien de bien compliqué : dans un contexte de rêve américain post-Seconde Guerre mondiale, c’est l’argent qui règne en maître. Pour avoir du pouvoir, il faut de l’argent.

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Mais comment avoir facilement de l’argent ? En vendant des choses. Mais comment avoir des choses ? En les prenant, tout simplement. Via toutes les méthodes de recel, Henry Hill et son organisation vendent tout ce qui leur tombe sous la main, mais en priorité des objets de valeur. Les Affranchis retrace le parcours d’Henry Hill de sa jeune adolescence à sa vie d’adulte bien avancée : on le voit progresser dans ses « compétences », dans sa vie familiale et amoureuse, mais aussi dans son ascension au pouvoir. Une ascension qui ne se fait pas à aucun prix.

Du décollage à la chute, avec le bon rythme, la bonne mise en scène

Et c’est dans cette ficelle de l’ascension et de la chute (du rise and fall en anglais) que le cinéma de Scorsese se révèle. Quand Henry est petit, la vie est « facile » : non pas qu’il n’a pas de problèmes, mais qu’il est jeune et assurément insouciant. Ce n’est qu’au fur et à mesure que son rythme de vie s’accélère, qu’il n’a plus le temps, plus la patience, qu’il vole de plus en plus, qu’il tue de plus en plus.

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Le point de bascule entre sa vie rêvée de mafieux et sa lente chute vers la fin de sa carrière est assez facile à trouver : c’est après son plus gros casse. Les yeux trop gros des mafieux ont intéressé la police et les complices sont trop nombreux pour que personne ne parle. C’est à partir de ce moment-là que tout part en vrille et ça se ressent dans la mise en scène. La musique accélère, les plans aussi. Là où l’on pouvait avoir de longs plans séquence au début des Affranchis, montrant toute l’élégance du grand banditisme et de la vie de rêve qu’elle représente, elle n’est plus qu’anarchie sur la fin avec des plans plus courts. Les cadrages aussi changent : alors qu’ils étaient plutôt classiques jusqu’à la bascule, les voilà qui se rapprochent du visage d’Henry, devenu drogué, mais surtout fou, fatigué, tel un Joker.

Les Affranchis est-il le meilleur film de gangster de tous les temps ?

Tous ces effets du cinéaste fonctionnent, à tel point qu’on a du mal à les identifier tels quels. C’est cette finesse qui a fait sans doute du film Les Affranchis le long-métrage de gangster le plus réputé du cinéma.

Le point culminant de cette réputation est probablement sa fin, qui contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas si marquante que ça. Loin d’une apothéose, d’une fin explosive toute en musique et en rebondissements, celle des Affranchis est toute tranquille. Mais elle est essentiellement profondément déprimante : Henry Hill devient ce qu’il a toujours détesté : l’homme moyen, vivant rangé en famille dans un pavillon de banlieue, ayant perdu sa vie de mafieux. Avec cela, Les Affranchis montre aussi que ce grand banditisme, souvent adulé, possède une face cachée bien sombre : la fin de carrière.


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