Les journalistes face à la communication

« Les journalistes face à la communication » : quelles oppositions ?

Résumé détaillé de l’article Les journalistes face à la communication de Christine Leteinturier dans Hermès, La Revue dans lequel elle s’interroge sur les oppositions entre ces deux secteurs.

Résumé de Les journalistes face à la communication

“Le groupe des journalistes français est construit autour de l’application du statut de mars 1935 et du décret de janvier 1936 qui définissent l’activité professionnelle et créent les conditions du professionnalisme journalistique. Dans ce cadre, s’est affirmée une volonté très forte de distinguer le journalisme des diverses composantes du secteur de la communication dans une logique d’opposition entre la valeur citoyenne de l’information d’actualité et la dimension marchande de la communication.”

Cairn

Référence : Leteinturier, Christine. « Les journalistes face à la communication ». Hermès, La Revue 70, no 3 (2014): 50‑55. https://doi.org/10.3917/herm.070.0050.

Introduction de Les journalistes face à la communication

Pour Christine Leteinturier, le champ du journalisme est “l’espace où l’affrontement entre information et communication est sans doute le plus fort.” Cela a un rapport avec la conception du journalisme. Il y a trois logiques ici :

  1. “La concurrence pour l’usage entre information et communication” qui “renvoie au rôle du journalisme dans l’exercice de la citoyenneté au sein d’une société démocratique”.
  2. L’opposition professionnelle entre les journalistes et les annonceurs.
  3. L’opposition professionnelle entre les journalistes et les communicants.

Néanmoins, au début des années 90, le “journalisme de communication” fait son apparition et fragilise l’indépendance des journalistes “dans un univers médiatique désormais très largement dominé par des enjeux commerciaux”.

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Trois pôles d’opposition entre journalisme et communication

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, on conçoit le journalisme comme “visant une forme de magistère associant information, citoyenneté et action publique”. C’est le moment où l’on définit ce qui renvoie au journalisme et ce qui renvoie aux moyens de communication de masse. Les deux sont des médias, mais on les divise plus ou moins bien selon leur support. C’est une première source d’opposition.

La deuxième est liée “à l’économie du secteur et aux relations complexes qui vont s’établir très tôt entre la publicité et la presse, puis l’audiovisuel”. Avec durant la première moitié du XXème siècle une certaine confusion entre les genres, y compris chez les travailleurs des médias Avec la création du statut professionnel des journalistes qui distingue les deux activités, la séparation est là, bien que “de plus en plus symbolique, entre le monde de l’argent et celui de l’information”. Pour autant, la libéralisation du secteur des médias (et plus particulièrement de la radio et de la télévision) va “contribuer à accroître les tensions entre les médias pour l’accès aux investissements des annonceurs – et donc leur dépendance au secteur de la publicité.”

La troisième opposition, c’est celle de la “question des sources d’information”. Les médias ayant de plus en plus de poids dans la vie publique, cela “a conduit les institutions à encourager la professionnalisation de ceux et celles qui n’étaient, jusqu’aux années 80, que des attachés de presse ou des chargés de relations presse et qui deviennent alors communicants.” Alors, “le développement très rapide des services de communication et le poids croissant de ces professionnels dans la construction de l’information conduisent à des relations d’interdépendance avec les journalistes”. Ils sont “associés-rivaux” en cherchant “à maîtriser les discours médiatiques dans une perspective plutôt promotionnelle, se heurtant alors aux journalistes et à leur mission de décryptage critique des faits d’actualité”. Par ailleurs, “les médias spécialisés, tout particulièrement les magazines, sont des supports moins recherchés par les jeunes journalistes car plus commerciaux, souvent soupçonnés de collusions avec les publicitaires ou les communicants, favorisant des discours promotionnels s’adressant aux lecteurs dans une logique largement consumériste au détriment de l’analyse ou de la critique.”

Distinguer les journalistes des professionnels de la communication

L’article 1 de la loi de 1935 sur le statut des journalistes exclu bien les “agents de publicité” pour mettre une limite entre journalisme et communication. C’est aussi ce que fait la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) : elle s’appuie pour cela “sur un arrêté du ministère de l’Information du 23 octobre 1964 qui définit les professions de conseiller en relations publiques et d’attaché de presse”, les rendant incompatibles avec celles des journalistes et des agents de publicité. Même chose pour les formations “si elles veulent obtenir l’agrément de la Commission partiaire nationale de l’emploi des journalistes et leur inscription dans la convention collective des journalistes”.

Le risque d’un journalisme de communication

Les mutations du secteur médiatique “ont conduit à faire entrer dans les entreprises médiatiques, au tournant des années 1980, des professionnels du marketing chargés de trouver des solutions à l’érosion de la diffusion des journaux”, avec “l’idée d’une nécessaire transformation du discours journalistique vers des formats et des sujets plus conformes à ce que seraient les attentes du public”. Alors, Jean de Bonville et Jean Charron parlent (1996) de “journalisme de communication”, un type de journalisme “plus directement soumis aux sources mais aussi aux injonctions des annonceurs soucieux d’une certaine harmonie entre les contenus informationnels et les contenus publicitaires”. Il s’agit d’une “processus d’ajustement des contenus des médias aux attentes des publics et des annonceurs”, qui est justement accentué avec l’arrivée d’Internet. Sur ce support, le journalisme “subit encore plus le poids de la publicité et des logiques commerciales, mais également celui de la communication institutionnelle associée à la promotion de l’ensemble des acteurs de la vie économique, politique et culturelle.” Il engendre également “de nouvelles concurrences pour la production journalistique”, liées au référencement sur les moteurs de recherche, à l’affiliation avec des sites marchands ou au développement de relations de communication avec les internautes.

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Pour Christine Leteinturier, alors “la notion de communication reste donc encore assez largement perçue de façon négative, associée à des professionnels qui chercheraient, en quelque sorte, à prendre le pouvoir et à dicter aux journalistes leurs choix de sujet et les modalités de leur rédaction”. Le terme “information” vient à se diluer sur Internet, on parle plutôt de “contenu”. Ce qui fait que “pour les journalistes, ne pas revendiquer leur appartenance au monde de la communication, c’est essentiellement refuser de gommer les différences d’objectifs, de pratiques, de méthodes voire de valeurs qui existent entre la publicité et la promotion commerciale, la communication institutionnelle et l’information journalistique.”


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