Le premier roman de Benjamin Stock, Marc, a remporté le Prix de Flore 2024. Je n’ai aucune idée de ce que c’est et au fond ce n’est pas important. Ce qui l’est davantage, c’est le synopsis du livre qui m’a attiré. Alors je l’ai lu. Critique sans spoilers !
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Le résumé de Marc
« David Baumer, fondateur d’une start-up parisienne, traverse une crise existentielle. Sa compagne le néglige tandis que son entourage s’absorbe dans les idéologies du moment : relativisme, développement personnel, management agile…
L’une de ses employées, Sheyenne, lui fait découvrir une communauté clandestine de lecteurs de Marc Levy. D’abord moqueur, David plonge finalement dans l’œuvre du grand romancier, en quête de réponses.
Quelle est donc cette conspiration que David pense avoir perçue dans les textes de Marc Levy ?
Alors qu’il approfondit ses recherches, David se radicalise…Portraits satiriques de personnages en quête de sens, réflexion sur l’interprétation des textes à l’ère de la “post-vérité”, Marc est le premier roman de Benjamin Stock, né à Blois en 1988. »
Les névroses d’un auteur ne font pas avancer son histoire
Ce qui frappe dans Marc, c’est à quel point on sent le point de vue de l’auteur. Certains passages ont l’air de faire fondre le personnage de David Baumer à celui de Benjamin Stock. On dirait qu’il l’a créé à son image, à savoir un homme trentenaire, parisien, bobo et allié du féminisme (c’est un homme blanc et cisgenre dans le livre), mais pas d’extrême-gauche, quelqu’un qui intellectualise tout et qui se désole de l’abrutissement de la société. Quand David s’emporte : « On ne devrait jamais ouvrir un livre, à moins de croire qu’il peut changer notre vie », on a l’impression d’entendre Benjamin Stock.
L’auteur intellectualise tout et ralentit le scénario, pour pas grand-chose : « David, en sueur, comprit enfin comment la gauche s’était effondrée. Comment le relativisme de bon aloi (tolérant, bienveillant) avait conduit à l’individualisme, au nihilisme, à l’apathie politique, et comment cet état d’esprit s’emboîtait parfaitement avec les objectifs du capitalisme le plus barbare. Qui de plus désarticulé, manipulable et soumis qu’une personne refusant même l’idée de vérité ? ». On comprend que le cheminement de pensée de David est essentiel dans l’histoire, qu’il est parfois un homme médiocre, que c’en est le cœur, mais parfois ça ne fait qu’écœurer. Parfois, ça tombe dans l’entre-soi parisien à coups de références : si on ne vit pas dans la capitale ou juste autour, ça laisse coi.
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Ce qui n’a pas que des inconvénients : ça reste un style très sarcastique, pince-sans-rire, qui personnellement me plaît beaucoup. Comme lorsque l’auteur écrit : « On ne comptait plus les forums économiques, les rencontres internationales, les séminaires, les think-tanks, les rapports, les commissions, les pétitions, les labels, les chartes d’engagement, les appels, les lettres ouvertes… Autant d’émanations de la mauvaise conscience bourgeoise. Les riches ne voulaient rien changer, sauf l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes. » Marc tombe dans la satire intelligente et n’oublie pas d’être drôle, à aucun moment.
Dans Marc, c’est surtout la fin qui marque
Les passages les plus marquants se situent essentiellement à la fin de l’histoire, quand David Baumer est totalement radicalisé. « Car il faut croître. Devenir. On ne peut pas simplement « être ». Quand on « est », on demeure, on est dépassé par les autres », lit-on, en faisant défiler les page. Là, Marc devient un véritable thriller psychologique, qui tient en haleine. C’est rythmé et ça n’hésite pas à créer des décalages dans le scénario. Cette radicalité qui transforme un David en pleine crise existentielle fait plaisir à lire et surtout elle épaissit un personnage bien trop plat au départ. Le synopsis de Marc a fonctionné.
Et que dire du « concept » du livre : des théories complotistes dans les romans de Marc Levy ? Il n’en a pas fallu plus pour que je me mette à lire ce roman, qui tombe presque dans la parodie. Les promesses sont plutôt tenues, mais là encore trop intellectuelles et philosophées, jusqu’à se perdre dans ses explications. C’est la seule critique négative que j’aurai à formuler au sujet dudit concept, pour le reste ça fonctionne très bien et c’est même parfois risible. Le tout en rendant hommage à la littérature populaire, trop souvent huée.
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