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Napoléon, le film : du mâle alpha au mâle bêta, il n’y a qu’un pas

napoléon

Le dernier film de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix raconte l’histoire de Napoléon, l’une des plus grandes figures historiques françaises. Un film magnifique, mal écrit, faux historiquement, mais qui déconstruit la théorie du mâle alpha. Ça et des plans de fous : ce sont les deux qualités de Napoléon, le film.

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Synopsis de Napoléon

« Fresque spectaculaire, Napoléon s’attache à l’ascension et à la chute de l’Empereur Napoléon Bonaparte. Le film retrace la conquête acharnée du pouvoir par Bonaparte à travers le prisme de ses rapports passionnels et tourmentés avec Joséphine, le grand amour de sa vie. »

Allociné

Un film faux historiquement, mais est-ce si grave ?

Ça a été la plus grande critique dans les médias de Napoléon : les nombreuses contre-vérités historiques dépeintes par le film. Pour l’historien Claude Askolovitch, c’est même une « production boursouflée » qui n’arrive pas à la cheville d’autres films, comme Austerlitz. Alors oui, l’empereur n’a jamais tiré des boulets de canon sur les Pyramides de Gizeh, Robespierre n’a pas dirigé la Révolution, Napoléon n’a pas assisté à la décapitation de Marie-Antoinette, Joséphine meurt bien plus tôt dans sa vie, et les batailles ne se déroulent pas du tout comme dans le film ?

Mais alors, en sachant que le film est composé de grosses inventions aidant au scénario, est-ce que parce qu’il est faux historiquement, Napoléon est d’office un mauvais film ? Je ne pense pas être aussi extrême, mais plus nuancé. À partir du moment où l’on se prépare à regarder l’œuvre en connaissant cela, en prenant des précautions, on peut tout de même l’apprécier à sa juste valeur. Le reproche que l’on peut faire, c’est que Ridley Scott n’a jamais vraiment assumé les facilités avec la réalité qu’il a prises.

La déconstruction de la figure de mâle alpha de Napoléon

Dans une interview au JT de TF1 il y a quelques années, Jean Dujardin montrait la puissance de son jeu d’acteur. Celle de passer du visage de séducteur à celui d’abruti. Et c’est exactement tout ce qu’on retrouve dans Napoléon. Un empereur emprisonné dans une sorte de dualité. D’un côté, l’homme dominant, le guerrier, celui qui mate ses adversaires et sa femme, celui qui manipule pour arriver à ses fins, celui qui a faim de victoire. De l’autre, un grand enfant qui obéit à sa maman, qui trépigne d’impatience pour faire l’amour à sa femme (et non avec), un homme avec des failles. Tout se joue dans le regard, dans la crispation de la mâchoire, dans la manière de déclamer son texte. Et là-dessus oui, Joaquin Phoenix est un très grand acteur, capable même avec un tel rôle… de faire rire. Mis à part ce point, l’acteur manque de présence, se contentant de faire la moue ou de grogner des répliques, ce qui ne colle pas nécessairement avec le personnage.

Et c’est d’autant plus jouissif que cette déconstruction du personnage de Napoléon est si importante aujourd’hui. Sur les réseaux sociaux particulièrement, la théorie du mâle dominant refait surface, invitant les hommes à prendre leur vie en main, à ne pas se soumettre aux femmes, à la société, et à faire ce qu’ils veulent. Un message prétendument émancipateur, mais en réalité conçu en rien pour aider les hommes, simplement générer des revenus sur leur souffrance. Le tout avec des personnages écrits pour l’inverse de ce qu’on leur fait transmettre sur les réseaux sociaux : c’est Patrick Bateman d’American Psycho, c’est Thomas Shelby de Peaky Blinders, c’est Walter White de Breaking Bad ou c’est Jordan Belfort de Le loup de Wall Street.

Un film mal écrit avec des enchaînements de scènes tordus

Mis à part cela, Napoléon reste assez mal écrit. Si certaines répliques sont bien senties et font réagir toute une salle, d’autres tombent sous le sens, ne provoquent rien. Une inégalité qui se retrouve aussi dans les différentes scènes et surtout dans leur enchaînement. Ce passage sans cesse du mâle alpha au mâle bêta, autour des frasques avec Joséphine, autour de la Révolution décidément non, ça ne prend pas. Il manque tout bonnement de liant entre les scènes, certaines ne sont là que pour être là.

Le problème, c’est que paradoxalement, le film est trop court, alors qu’il dure deux heures et demie. En fait, ça aurait pu être une série, et ça aurait probablement dû en être une. Cela aurait permis de développer les personnages secondaires qu’on ne connaît que trop peu.

Des scènes de bataille épiques à couper le souffle

Si le long-métrage a un scénario bancal et des anecdotes historiques complètement fausses, il n’est pas que ça. Le cinéma, c’est aussi l’art de la mise en scène, de la photographie. Et sur ces points, c’est bluffant. L’art est en fait déployé dans les scènes de bataille, qui semblent très réalistes (qui ne le sont historiquement pas). Pour le dire de manière moins chiadée, on a des plans de fou dans Napoléon. Des scènes de bataille avec des centaines de chevaux, des milliers de soldats, des dizaines de canons, dans plusieurs environnements. Le tout sur fond de musique épique, de cris de guerre, de tirs de canon. La bataille d’Austerlitz, la marche sur Moscou, la campagne en Égypte, Waterloo, tout y est, du moins les grandes dates, les grandes victoires, les grandes défaites.

Napoléon fait d’ailleurs directement référence à des tableaux célèbres sur l’empereur, comme Le Sacre de Napoléon de Jacques-Louis David, Bonaparte devant le Sphinxde Jean-Léon Gérôme ou encore Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents à Saint-CLoud de François Bouchot. Malheureusement, certains plans sont gâchés par la colorimétrie, très boueuse, jaunâtre et marronnasse, qu’on trouve tout le long du film. Dans la pluie ou durant l’hiver, elle est davantage grisonnante, mais c’est tout comme. Un manque de diversité dommageable et qui est trop forcé dans certaines scènes.

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Napoléon : grand personnage, mais grand film ?

Napoléon est sans doute l’un des personnages de l’Histoire de France les plus complexes, qui a fait la transition entre monarchie et République (à moitié d’ailleurs), qui a mis en place certains fondements toujours d’actualité. D’un point de vue historique, c’est un grand personnage. Qu’en est-il de Napoléon, le film ? Avec ses contre-vérités historiques, son scénario trop maladroit, est-ce qu’on le retiendra longtemps ? Je ne pense pas pouvoir le dire. Si le film est sublime visuellement, il n’en reste pas moins dénué de défauts. Si vous aimez les scènes épiques, les beaux films grandioses, foncez le voir, dans des bonnes conditions si possible (au cinéma ou avec une bonne installation de télévision). Et si vous aimez la rigueur historique et les personnages touchants, vous trouverez probablement votre bonheur ailleurs.

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