rave-party

La rave-party au miroir d’une sociologie du sujet, par Ingrid Voléry

Fiche de lecture et résumé détaillé de l’article La rave-party au miroir d’une sociologie du sujet, par Ingrid Voléry. Un essai d’analyse sociologique sur l’univers de la rave-party et des individus qui font partie.

Dans son article, Ingrid Voléry souhaite s’interroger sur la pratique culturelle que peut représenter la rave party : lieu de socialisation ? Lieu de fête ? Elle souhaite « comprendre le type de relations qui s’y nouent » et montrer « combien les pratiques relationnelles des raveurs sont tout à fait révélatrices d’un « paradigme culturel émergent » (au sens des « valeurs, des représentations, des liens actuels entre individus, groupes et corps social ») mais aussi parler de « l’utilisation du corps dans la rechercher de soi ». Son article va donc faire la proposition d’une grille de lecture en prenant « le sujet comme unité de compréhension de l’activité humaine ».

La rave-party : entre espace communautaire et objet de consommation culturelle

Ingrid Voléry rappelle que la sociologie prend souvent « les pratiques festives comme des recherches de socialité » : « Les manières dont ce moment est vécu s’enracinent dans des normes, des valeurs et des logiques d’action déjà intériorisées ». L’auteure fait cependant une nuance en expliquant que la pratique de la rave peut toucher des individus qui ne sont pas jeunes ou des jeunes déjà engagés (familialement, professionnellement). Par ailleurs elle explique que certains « groupes structurent pourtant leur vie autour de conduites dont la rave est archétypique ». Les « raveurs » ont des profils « très hétérogènes » : on retrouve des « personnes issues de milieux populaires » ou « de milieux plus aisés ». Les pratiquants déclarent que la « vraie rave », brouille « tous les repères sociaux habituels ».

Une rave-party est un espace particulier parce qu’elle représente un « facteur de différenciation sociale », plutôt culturelle, mais aussi « un déni de ces hiérarchies » (traditionnelles). Cet aspect paradoxal se poursuit dans la façon dont une rave-party est vécue. Tout d’abord, elle peut être « investie selon des stratégies visant la poursuite d’intérêts » : beaucoup de pratiquants disent « C’est personnel, ça dépend de chacun ». Mais d’un autre côté, « elle n’est pas seulement investie comme un bien culturel à consommer » : c’est un « esprit », une « mentalité », même si « les raveurs conservent d’ailleurs des formes de sociabilité plus traditionnelles ». Ingrid Voléry conclut que la rave-party « n’est ni un bien de consommation parmi d’autres, ni un modèle culturel entant que tel ».

Beaucoup d’études sociologiques peinent à décrire cette pratique, même avec plusieurs approches (individualistes notamment) : cela pose de nombreuses questions à l’auteure. Mais elle y voit une « troisième voie » à explorer : l’analyse de la rave-party comme « espace de subjectivation ».

La rave-party comme cadre d’analyse d’un paradigme culturel émergent

Elle décrit la rave-party comme « un lieu de lecture […] de la reformulation » de « la façon dont une société se pense et se met en scène » ; le phénomène de la rave serait lié aux changements sociétaux (passage d’une société industrielle à une société financiarisée et « fragmentée »). Elle fait ensuite des rappels de sociologies de la modernité sur la compréhension des « comportements individuels à un moment où les catégories fondatrices de la société industrielles se reconfigurent ». L’auteure rappelle également que « depuis la fin du XIXème siècle, les repères de la société française se multiplient » concernant les « transformations culturelles » : « les intégrations sociales, politiques et culturelles se découplent » (elle prend l’exemple de la culture hip-hop qui est reprises par des gens de milieux aisés mais qui n’a qu’une « faible légitimité sociale et politique »).

Les rôles sociaux ne sont alors plus les seuls déterminants des attitudes, il y a aussi les expériences. Ce qui veut dire que « les pratiques culturelles […] n’expriment plus un classement social et professionnel » mais « le support d’une définition du sujet ». Vient alors la question : « la rave est-elle un lieu où le sujet se construit ? ».

La rave comme recherche de la sensation de soi

Ici, Ingrid Voléry fait l’hypothèse que « les individus éprouvent le besoin de se construire des espaces de latence au cours desquels ils « ordonnent » leurs multiples expériences ». Selon elle, il faudrait alors déterminer si durant les rave-parties, « les individus se retournent sur eux-mêmes, mettent en cohérence les divers rôles sociaux qu’ils endossent ».

Tout d’abord, « il semble que les pratiques des raveurs soient particulièrement auto-centrées », leurs vécus seraient « difficilement transmissibles car ils sont éminemment personnels ». D’ailleurs, c’est un endroit où les « catégorisations sociales ordinairement expérimentées » sont mises à distance et où « la tolérance semble de mise », mais c’est davantage par une « relative indifférence », une « désimplication ». Ce qui est au cœur des préoccupations des raveurs, c’est « l’écoute de soi ». Ce serait un « bien-être » qui ne viendrait pas du « contact avec les autres mais par l’assurance que ceux-ci ne viendront pas perturber les aspirations et pratiques personnelles ». Cela fait d’ailleurs que « les contacts engageant les individus dans leur épaisseur sociale sont très ponctuels ». L’objectif est de « mettre à distance les hiérarchies de la vie quotidienne » tout en restant soi-même.

La sensation de soi : une quête pré-réflexive du sujet

Ce qui permet cette absence de distinction sociale, c’est le fait que la rave-party est « un espace sans histoire : non marqué par des rapports à la société civile » ; on peut alors « éprouver son individualité ». Dans cet espace, « la personnalité est une construction sans fin », par opposition au quotidien où ce sont les rôles endossés qui se construisent.

Ensuite, Ingrid Voléry aborde le sujet de la transe. Selon elle, la transe « réinscrit le corps biologique comme médiation essentielle dans la connaissance de soi » ; ce serait « le moyen par lequel maîtriser et construire sa propre expérience ». Avec cette analogie entre rave et transe, l’auteure démontre que « la rave est alors un temps suspendu permettant de se libérer des autres ».

Elle s’intéresse également à l’indissociabilisation de la drogue et de la musique dans la rave. Par les entretiens, elle note ceci :  » un lieu dans lequel on ne réfléchit pas, ou plus exactement dans lequel on ne réfléchit ni sur soi, ni sur son rapport aux autres ». En fait, « la recherche de soi s’opère par la médiation de la sensation de soi » ; les raveurs recherchent une expérience corporelle et arrivent à l’obtenir par des produits stupéfiants comme l’ecstasy.

« La rave semble renouveler la place du corps dans l’expérience sociale contemporaine. »

La particularité du monde de la rave est que « la prise de drogue ne structure par les relations aux autres », alors « la vie est faite de rencontres éphémères et aléatoires ». À partir du corps, la recherche de sensations permet « la redécouverte de soi ».

Elle termine son essai sur la place du groupe, qui « n’est plus inscrit dans le registre du lien sociale mais dans celui d’une créativité individuelle ». L’affiliation au groupe « ne constitue plus un opérateur incontournable du lien social ».


Publié

dans

,

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *