Comment raconter Charles Aznavour, ou plutôt Monsieur Aznavour ? Le chanteur est si grand, sa carrière si longue : qui de plus difficile que lui pour réaliser un biopic ? Mehdi Idir et Grand Corps Malade s’y sont risqués avec ce film sur toute son histoire.
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Synopsis de Monsieur Aznavour
« Fils de réfugiés, petit, pauvre, à la voix voilée, on disait de lui qu’il n’avait rien pour réussir. À force de travail, de persévérance et d’une volonté hors norme, Charles Aznavour est devenu un monument de la chanson, et un symbole de la culture française. Avec près de 1200 titres interprétés dans le monde entier et dans toutes les langues, il a inspiré des générations entières. Découvrez le parcours exceptionnel et intemporel de MONSIEUR AZNAVOUR. »
Allociné
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Un biopic (trop) complet ?
De son enfance à plus ou moins la fin de sa carrière, le long métrage suit la vie de Charles Aznavourian. De sa vie de Français d’origine arménienne pauvre déambulant dans les rues de Paris à sa résidence secondaire à Mouriès, Monsieur Aznavour déploie presque toute la vie de cet homme ayant vécu 94 ans. Sur un peu plus de deux heures, forcément c’était risqué. Et pour être honnête, il y a des erreurs. Le découpage en chapitres n’est pas absurde, mais les transitions semblent bâclées : on passe rapidement d’un aspect de la vie du chanteur à l’autre sans trop de logique.
Ce qui est d’autant plus dommage, c’est que les thématiques ne sont abordées presque qu’en surface. La vie durant la guerre, ses débuts sur les planches de théâtre, ses débuts en tant que chanteur, ses relations avec les femmes et sa famille, soin acharnement au travail, son engagement envers la cause des homosexuels ou encore la mort de son fils. Tout y est, mais à l’intérieur de chaque dimension de Monsieur Aznavour, tout n’y est probablement pas. Le film a fait l’erreur de retracer toute une vie qui demanderait une série au moins pour tout comprendre du personnage qu’Aznavour était.
Personne ne peut égaler l’interprétation de Charles Aznavour, pas même l’excellent Tahar Rahim
La place des chansons est assez juste dans le film. En fait, Monsieur Aznavour ne fait pas tant dans le fan service que ça, en plaçant rapidement Hier encore, Emmenez-moi, La bohème ou encore For Me… Formidable dans les premières parties du film. Et c’est logique si l’on prend la chronologie de la discographie du chanteur. De quoi « faire mériter » ces morceaux si importants pour la chanson française. D’autant plus que ces morceaux ne sont pas joués par Tahar Rahim sur une scène : c’est toujours par-dessus les scènes et/ou dans une maison, en privé.
Cela peut paraître absurde, mais c’est peut-être plus important qu’il n’y paraît. Ce qui fait Charles Aznavour, c’est aussi l’interprétation qu’il donnait de ses textes, que ce soit en enregistrement studio ou en concert. L’une des grandes forces du chanteur, c’est son chant, comment il interprétait ses chansons, toujours avec une grande puissance. Malgré tout le talent de Tahar Rahim, c’est sans doute inégalable. Alors comme l’a fait Monsieur Aznavour, il ne valait mieux pas tenter de reproduire cette puissance. Cependant, l’acteur est impressionnant, comme il avait pu l’être dans Un prophète : la voix est assez ressemblante, le physique aussi, sans parler de la gestuelle.
Monsieur Aznavour : la leçon de vie sur le temps
En fait, Monsieur Aznavour agit presque comme une nécrologie : d’ailleurs à la fin, le film montre des images d’archives de l’annonce du décès de Charles Aznavour dans les médias, mais aussi ses derniers concerts. Une nécrologie, c’est avant tout une leçon de vie et c’est ça qu’est le film : une leçon de vie d’un mort à destination de vivants. Et pour cela, ça fonctionne, malgré un message trop pluriel et dispersé.
C’est en fait ça le principal défaut de Monsieur Aznavour : la dispersion. En voulant raconter tout, on risque de ne rien raconter du tout. D’autant plus que les transitions (et leur montage) sont parfois trop maladroites pour nous faire rester dans le film. Mais la puissance du jeu et de temps en temps de la mise en scène nous font oublier tout ça (« Je connais ce bruit des strapontins » ou encore le plan sur les carnets rouges remplis de textes) et nous laissent nous plonger dans la narration et surtout : dans les chansons de Charles Aznavour.