Ce mercredi 23 novembre sort en salles Service public : un documentaire de Salhia Brakhlia et Mouloud Achour sur les coulisses de la matinale de France Info, de la rentrée médiatique 2021 au second tour de l’élection présidentielle en avril 2022. De quoi découvrir comment est construite une interview politique et quelles sont les relations entre journalistes et personnalités politiques.
Synopsis de Service public
« Salhia Brakhlia a posé sa caméra pendant un an sur le plateau et dans les coulisses de la matinale de franceinfo. Comment informer à l’heure des réseaux sociaux et des fake news ? Quelles précautions prennent les journalistes ? Quelles relations avec les politiques en coulisses en pleine élection présidentielle ? Cette plongée unique dans l’envers du décor de l’information apporte des éléments de réponse. »
Un film documentaire informatif… et drôle
L’objectif premier et évident de Service public, c’est bel et bien d’informer. Cependant, une autre dimension s’est révélée et elle n’avait pas été anticipée par ses réalisateurs : il s’agit de son potentiel comique. Lors de la diffusion du documentaire en avant-première au festival Médias en Seine, les rires se sont multipliés à plusieurs reprises, que ce soient des réactions à des personnalités politiques ou à ce que disent les journalistes. Cet aspect comique, la journaliste et réalisatrice Salhia Brakhlia en a été la première surprise comme elle a pu le déclarer après la diffusion de Service public. Il y a évidemment le décalage entre le contexte politique lors du tournage et celui d’aujourd’hui, mais ce n’est pas tout. Ce qu’on trouve croustillant dans ce film, ce sont les petites phrases des politiques clamées hors antenne, avant et/ou après l’interview.
Autre révélation, c’est le potentiel comique de Marc Fauvelle, avec des phrases qui fusent lorsqu’on ne s’y attend pas. Elles arrivent souvent lorsqu’il galère, pour trouver une bonne question, quand il se remet en question, quand il se lève tôt ou quand il est fatigué. Ça peut paraître très superficiel d’en parler dans une critique, mais si vous aimez suivre ses matinales, vous devriez vous régaler. Tout cela, bien que ce n’était pas attendu, c’est surtout issu d’un contexte : celui des coulisses de ladite matinale.
Les coulisses d’une matinale d’interview politique
Les scènes marquantes de Service public, ce sont celles où l’on voit Marc Fauvelle et Salhia Brakhlia se rendre très tôt (à trois heures du matin) au siège de Radio France, pour préparer leur interview politique se déroulant dans quelques heures. Un travail de nuit nécessaire à sa bonne préparation : il se passe des choses aussi la nuit et il faut débriefer les interventions des candidats la veille au soir.
Chaque phrase est notée, chaque intervention est rédigée et chaque fait est vérifié. Dans la lumière tamisée des lampes de chevet et de la lumière nocturne de Paris, dans un bureau essentiellement éclairé par les écrans d’ordinateur, on découvre les journalistes travailler, à l’image d’un Marc Fauvelle tapant frénétiquement sur son clavier. Pour réfléchir le phrasé, on peut les entendre répéter ces interventions et ces questions, comme une sorte d’entraînement, une mise en situation.
Les bruits de couloir des candidats à l’élection présidentielle révélés : derrière la communication politique
Le documentaire ne revient que très peu sur les interviews en elles-mêmes et se contente de diffuser quelques extraits à des fins contextuelles plus qu’informatives. Ce que Service public nous montre, c’est ce qu’on ne voit normalement pas : les discussions avant et après l’interview, lorsque personnalités politiques et journalistes se côtoient, que ce soit le temps d’un café, d’une séance de maquillage. L’occasion d’apprendre les réels intentions et avis des candidats, celles qui ne nous sont pas révélées à cause d’une rhétorique travaillée en amont.
Là où Service public se révèle très fin, c’est qu’il ne suit pas les candidats à l’élection présidentielle. Des documentaires sur ce sujet-là, il y en a eu beaucoup (trop ?) et leur principal problème, c’est qu’ils ne font le point que sur un des candidats, souvent de son point de vue et pour servir son propos. En premier lieu, on avait eu 1974, une partie de campagne qui retraçait le parcours électoral de Valéry Giscard d’Estaing, pour arriver à la série Le Candidat sur Emmanuel Macron il y a quelques mois. L’avantage, c’est qu’on va au-delà de la simple communication politique, en montrant des coulisses visant à embellir les personnalités des personnages (et non des personnalités) politiques. Dire qu’être un bon orateur suffit à remporter une élection, ce n’est alors pas forcément vrai : il faut aussi avoir les épaules pour cela.
La pause-café : comment (vraiment) comprendre les personnalités politiques
Les scènes avec les personnalités politiques de différents bords s’enchaînent et l’on découvre un Jordan Bardella assumant ce qu’il dit en interview, une Marine Le Pen mécontente des questions qui lui ont été posées, un Eric Dupont-Moretti se montrant fermé, un Jean-Luc Mélenchon blagueur, mais pas spécialement sympathique, etc. Ce qui est peut-être dommage, c’est qu’on n’a pas les scènes concernant les « petits partis » et les « petits candidats », comme Jean Lassalle, ceux qui ne vont pas faire de grands scores électoraux (et n’en ont pas fait) : il aurait pu être intéressant de comparer les candidats issus de partis traditionnels et puissants avec ceux de partis plus restreints, tant dans leur électorat que dans leurs moyens. Pour autant, on a tout de même vu Fabien Roussel dans le documentaire, ce qui est déjà louable.
Autre chose que l’on découvre : les interviews sont débriefées par les journalistes et avec les politiques : ils reviennent sur les déclarations, sur les questions, dans des entretiens apparemment assez longs. L’occasion pour les journalistes d’avoir quelques informations sur les réelles intentions des candidats, sur les prochaines actions menées, bref : les petits potins de la politique. Tout cela, on n’en entend jamais parler dans les médias et les politiques ne s’expriment pas dessus.
Service public est un film documentaire… d’utilité publique, comme France Info
Dans un exercice très difficile, mais très réussi, Service public ne nous apprend pas grand-chose, mais nous montre en détail et sans coupures les coulisses de cette fameuse matinale et interview politique de 8h30 sur France Info. Parce qu’elle nous informe tous les jours, la station de radio et la chaîne de télévision France Info est d’utilité publique, tout comme son documentaire, qui apparaît davantage comme une prise de recul sur cet exercice médiatique. Notre service public, si cher à tous (enfin presque), il est même en danger et ça les journalistes de France Info le savent bien. Dans une séquence assez loin dans le film, on suit l’interview d’Emmanuel Macron le candidat (et non le président). Hors antenne, Salhia Brakhlia l’interpelle sur la suppression de la « redevance télé » voulue par son Gouvernement et par lui-même. S’ensuit un petit débat sur la question, qui n’est pas retransmis dans les médias : sans le documentaire, on n’en aurait jamais entendu parler.
Si ces thématiques vous intéressent, foncez voir Service public : au mieux, vous en apprendrez beaucoup, au pire, vous passerez un bon moment à rire des sortes de frasques des personnalités politiques et de Marc Fauvelle, en riant de dérision quant au contexte politique.
Comment aller voir Service public au cinéma ?
La réalisatrice Salhia Brakhlia a détaillé sur Twitter tous les cinémas dans lesquels Service public sera disponible, à partir de ce 23 novembre :
Toutes les séances sont disponibles sur le site d’Allociné, avec les dates et les horaires.
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