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« L’Épreuve du feu » : quand le cinéma se met à l’épreuve de Bourdieu

l'épreuve du feu

Avec L’Épreuve du feu, le réalisateur Aurélien Peyre signe un premier long-métrage sur les adolescents plein de justesse. Le film rappelle les différences culturelles et sociales qui existent, même en France, et les conséquences qu’elles peuvent avoir au tournant de la vie de jeunes hommes et des jeunes femmes.

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Le synopsis de L’Épreuve du feu

« Hugo a 19 ans. Comme chaque été, il passe ses vacances sur une île atlantique, dans la petite maison familiale. Mais cette année est différente, Hugo s’est transformé physiquement et arrive accompagné de sa petite amie, Queen, une esthéticienne dont la verve et les longs ongles strassés détonnent avec la sobriété et la timidité du jeune homme. Rapidement, le couple devient l’objet de tous les regards. »

L’Épreuve du feu est une comédie dramatique, mais aussi sociologique

Tout le sel de L’Épreuve du feu, c’est justement le décalage entre le personnage de Queen et celui de Hugo et de ses « amis » de l’île. Par sa manière de parler, sa manière de s’habiller, sa façon d’être avec les autres, on comprend rapidement qu’elle n’appartient pas au même monde que celui des autres personnages. Elle n’a pas le même habitus, dirait Bourdieu, qui aurait adoré (je n’en sais rien en vérité). C’est le goût barbare qui s’oppose au goût pur. Pas le même que ces personnages parisiens, bourgeois, qui passent l’été dans la résidence secondaire des parents ; que des jeunes femmes et jeunes hommes issus d’une classe dite « supérieure ». Des jeunes adultes avec un plus grand capital culturel et socio-économique en somme.

Est-ce trop ? N’en a-t-on pas déjà fait assez avec ces questions sociales ? Probablement que la comédie française en a déjà usé beaucoup, voire trop. Mais le fait de le faire sur des personnages qui se construisent rajoute quelque chose. Le diable se cache dans les non-dits, les regards, jusqu’à l’explosion des sentiments.

C’est ce que raconte très bien L’Épreuve du feu, précisément au travers des interactions entre Queen, Hugo et les autres habitants de l’île (de Ré si vous vous posez la question). Chaque moment est propice à la création du décalage : la franchise de Queen déroute les iliens, et elle se sent déroutée par leurs références culturelles, ou leur patrimoine économique. Le fait que tout se déroule sur une île renforce cette atmosphère pesante pour Queen et Hugo. La question de la lutte des classes a alors paradoxalement toute la place pour se développer, en ce sens qu’elle n’est pas dérangée par beaucoup d’autres questions.

Doit-on être amoureux de quelqu’un de la même classe sociale que soi ?

Ce qui m’a frappé au visionnage du film, c’est la justesse des dialogues et du jeu d’acteur entre Félix Lefebvre (Hugo) et Anja Verderosa (Queen). Le jeu des deux comédiens fonctionne bien, semble véritablement sincère. Un jeu renforcé par des dialogues qui paraissent très réalistes : parfois un peu niais, mais jamais dans le tire-larmes ou dans l’absurde. Contrairement à nombre d’autres comédies dramatiques du même genre, il y a de la nuance dans chaque personnage, et pas seulement chez Hugo ou Queen.

Ensemble, presque confinés sur une île, mais entourés par leurs « semblables », ils peuvent apprendre ce qu’ils commencent à vivre : une relation amoureuse. Au travers de la lutte des classes et du regard social, ils s’apprivoisent, cherchent à s’accepter. Ce qui donne à L’Épreuve du feu une dimension quasiment pédagogique pour les jeunes adultes qui le verront. C’est là aussi un mignon « fragment d’un parcours amoureux ».

Mis à part la question sociale et la question des relations amoureuses, que retenir du teen movie qu’est L’Épreuve du feu ? C’est une jolie comédie dramatique d’été, dans un cadre idyllique, avec des personnages rafraîchissants. Pas de quoi bouleverser sa vie (sauf pour certains spectateurs), mais de quoi ouvrir des pistes aux adolescents. Reste l’aspect cinématographique : la photographie est jolie, la mise en scène réussie, mais pas de plan qui ne marque véritablement.

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