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Propriétés et fonctions de la presse magazine selon Jamil Dakhlia

Fiche de lecture du chapitre 3 du Manuel d’analyse de la presse magazine intitulé Propriétés et fonctions de la presse magazine de Jamil Dakhlia en sciences de l’information et de la communication.

À lire également : « La presse », selon Francis Balle (chapitre de « Les médias »)

Référence bibliographique

DAKHLIA Jamil, « Chapitre 3. Propriétés et fonctions de la presse magazine », dans : Claire Blandin éd., Manuel d’analyse de la presse magazine. Paris, Armand Colin, « I.COM », 2018, p. 51-65. DOI : 10.3917/arco.bland.2018.01.0051. URL : https://www.cairn.info/manuel-d-analyse-de-la-presse-magazine–9782200619930-page-51.htm

Introduction sur Propriétés et fonctions de la presse magazine

Le concept de “presse magazine” écrit est en fait difficile à cerne, puisqu’il “n’existe pas de définitions usuelles” comme le constatait Jean-Marie Charon (2008). C’est pourtant ce que tente de faire Jamil Dakhlia, “en dépit de sa grande hétérogénéité”, en regardant ce qui la différencie du reste de la presse et ce qui lui “confère une cohérence interne”. Dans sa définition du magazine, Jean-Marie Charon détermine six critères :

  • L’importance du visuel
  • Périodicité et déconnexion de l’actualité
  • La segmentation du public
  • “Contrat de lecture”
  • Valorisation au sein de groupes
  • Internationalisation des concepts

Jamil Dakhlia y appose toutefois une double critique :

  • “Critique d’exhaustivité” : est-ce que le critère s’applique à tous les magazines ?
  • “Critique de singularité” : est-ce que le critère ne concerne que la presse magazine ?

Propriétés de l’objet

L’iconophilie

Les magazines se distinguent des quotidiens généralistes par la place importante qu’occupe l’image. La presse magazine, c’est du texte et des images : c’est de l’”iconotexte”. Pour Dakhlia, cela répond “à sa propension spécifique au didactisme et au divertissement”, à des fins de vulgarisation et de soin de la mise en page. Le texte et l’image sont alors complémentaires et une source de distinction vis-à-vis des autres types de médias. Enfin, “l’iconophilie tendancielle de la presse magazine contribue fortement à forger l’identité – visuelle pour le coup – de chaque titre et à l’inscrire dans un horizon d’attente.”

Une déconnexion de l’actualité

La presse magazine s’oppose aux journaux : leur périodicité n’est pas la même. Ce qui fait qu’elle “induit un rapport à l’actualité beaucoup moins tendu que dans la presse quotidienne”, ce qui n’est pas sans conséquences, “aussi bien en termes d’allocation de la valeur informative […] de traitement ou d’”angle” journalistique”. Cela modifie aussi “la division du travail au sein des rédactions”.

Cette périodicité différente permet plus facilement une prise de distance sur l’information, car plus éloignée dans le temps. Cela passe par des dossiers, des enquêtes : c’est l’angle choisi par les “news magazines” qui ont émergé à partir des années 70. C’est même “ce qui constitue leur valeur ajoutée : une présentation didactique, à grands renforts de schémas, de tableaux et de graphiques.” Par ailleurs, les “soft news” ont droit à une place plus importante dans la presse magazine avec des angles plus humains. Ce qui renforce aussi le recours aux “marrionniers” thématiques.

Une vocation grand public

La presse magazine se veut accessible au plus grand nombre : c’est historiquement ce qui la distingue des autres formes de presse écrite. Jamil Dakhlia écrit que “cette accessibilité s’entend aussi bien au plan pratique qu’intellectuel.” Le magazine “doit être facile à se procurer”, ce qui la distingue de la presse professionnelle. Aussi, il ne parle pas de revues techniques et “le discours doit rester ouvert et simple, ni trop jargonnant, ni trop exclusif”.

Derrière cela se cache “l’enjeu énonciatif et par-delà, commercial” : le magazine a une vocation didactique.

Propriétés du secteur

La segmentation

Elle “renvoie à un stade avancé du développement de la presse magazine, au même titre que pour n’importe quel autre marché concurrentiel.” On pourrait même résumer son histoire à “un processus de spécialisation progressive et d’adaptation à des publics différenciés […] avec un effet de longue traîne”. La segmentation se base sur les caractéristiques socio-culturelles des lecteurs et sur la spécialisation du contenu en fonction des pôles d’intérêt du public.

Le “contrat de lecture”

Pour Jean-Marie Charon, “Les magazines sont les seuls médias qui en matière d’information partent non pas d’une réalité exogène du rapport média-public qu’est l’actualité, mais du vécu, des valeurs, des sentiments, de l’imagination des lecteurs.” Un magazine se base sur l’imaginaire qu’il a de son lectorat et c’est comme cela qu’il se singularise. Dakhlia rappelle qu’il y a toutefois “un processus de standardisation industrielle qui fait que dans un secteur médiatique particulier, on constate une certaine homogénéité thématique”. Pour en quelque sorte se différencier, chaque titre formule une proposition éditoriale différente, un ton particulier.

Parce que ce “contrat de lecture” ne se pose pas qu’à la presse magazine, Jamil Dakhlia mobilise le “contrat de communication” de Patrick Charaudeau, qui fait que les médias mettent “en œuvre des stratégies de captation et de mise en adéquation à un public donné”.

La valorisation au sein de groupes

Il est à rappeler que “le paysage de la presse magazine en France est assurément dominé par quelques très grands groupes éditoriaux, voire multimédia, d’envergure internationale […] suivis de grands groupes de taille moyenne”. Il existe également des petits magazines indépendants.

À lire également : « Les journalistes face à la communication » : quelles oppositions ?

L’internationalisation des concepts

Jean-Marie Charon explique : “Les concepts de magazines, en tant que contrats établis avec des publics précis, dont les caractéristiques peuvent se retrouver sur plusieurs continents, sont transposables d’un pays à l’autre. L’internationalisation exige des adaptations importantes à la spécificité de chaque pays, mais elle est largement répandue.”

Pour autant, l’internationalisation ne concerne que certains formats, notamment via un système de franchises. Mais “là encore, la majorité des publications du secteur n’étant pas concernée, ce critère de définition ne satisfait pas au critère de l’exhaustivité.” Selon le chercheur, “pour expliquer le dynamisme économique de la presse magazine, il convient donc de distinguer ce qui résulte des propriétés intrinsèques de l’objet de ce qui en découle indirectement, par l’entreprise de dispositions juridiques spécifiques.”

Des avantages économiques directs

Il faut rappeler que “la loi française interdit jusqu’à nos jours la présence de tout capital étranger dans la presse quotidienne”. Cependant, la presse magazine française n’est pas concernée par cette loi. Ce alors même qu’ils peuvent prétendre aux mêmes aides financières publiques ainsi que du système coopératif de distribution. Ce qui fait que le marché, pour un marché de presse, est “une aubaine pour des groupes de presse étrangers.” Pour Dakhlia, “leurs implications sont également observables sur les plans sociologique et culturel”.

Usages spécifiques

Un objet familier

Le magazine “se caractérise par un grand éclectisme, en prodiguant des conseils dans toutes sortes de domaines de la vie quotidienne”. Ce qui fait que “l’ensemble des titres de ce secteur affiche des taux élevés de reprise en main”. Ce qui permet aux titres de créer une relation forte avec ses lecteurs : il y a derrière cela un intérêt commercial auprès des annonceurs.

Une “lecture de transports”

Selon le format, le magazine ne se lit pas au même endroit, ce qui fait que “la réduction du format est souvent considérée comme un argument commercial”.

Un guide de consommation

Pour Jamil Dakhlia, “le magazine se définit par un gros potentiel de prescription.” Il est objet de consommation mais peu aussi informer le public sur la consommation. Ce qui crée “un contexte propice à l’insertion de messages plus ou moins officiellement publicitaires.” Cela via des conseils qui “postulent l’adhésion à un style qui est aussi un idéal de vie, que sous-tend une idéologie fondamentalement consumériste.”

Un trésor esthétique et/ou pédagogique

Le lecteur est tenté de conserver ses magazines et ces derniers font tout pour, avec des posters par exemple, ou des contenus sériels (via des rubriques). Ce qui fait que “les particularités matérielles de l’objet magazine en conditionnent d’une part la portabilité, en phase avec les impératifs de mobilité de la vie contemporaine, et d’autre part, les pratiques de conservation liées à des usages didactiques et/ou contemplatifs.”

Conclusion sur Propriétés et fonctions de la presse magazine

Jamil Dakhlia retient trois critères de Jean-Marie Charon pour définir un magazine :

  • L’importance de l’image
  • La périodicité non quotidienne
  • Une accessibilité par la forme, le contenu et le mode de diffusion

Il ne retient qu’en partie les autres, puisqu’ils ne concernent que certains magazines ou parce qu’ils concernent aussi d’autres genres de médias. Ces trois critères à retenir “ont largement contribué au succès économique du secteur correspondant, en France plus particulièrement.” En cause, le fait que la presse magazine se différencie de l’actualité chaude et prend du recul dessus, ainsi que le fait qu’elle développe une relation forte, propice pour les annonceurs. C’est aussi pourquoi on observe une “maganization” du reste de la presse. Mais pour Dakhlia, ces deux propriétés “ne peuvent s’exprimer pleinement qu’à travers l’utilisation du papier.” Et elles vont représenter l’avenir de la presse magazine. Des évolutions qui sont toutefois élitistes, puisqu’elles concernent les lecteurs les plus aisés. Ce qui pourrait aussi la couper “de l’un de ses fondamentaux : sa vocation de vulgarisation, au sens premier du terme”, conclu Jamil Dakhlia.


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