le savant et le populaire

Introduction : Le savant et le populaire Retour sur une opposition arbitraire, par Daniel Jacobi

Fiche de lecture de l’article Introduction : Le savant et le populaire Retour sur une opposition arbitraire de Daniel Jacobi dans le numéro 181 de la revue Communication & Langages (2014/3).

L’opposition entre le savant et le populaire

Daniel Jacobi rappelle tout d’abord que « l’opposition entre le savant et le populaire est un classique de la recherche en sciences humaines et sociales ». Il se pose alors la question de la disqualification a priori de cette culture populaire, par opposition à la culture associée à « l’élite ». Il y a donc deux types de culture aux limites qui diffèrent :

  • La culture savante, « au périmètre restreint et bien circonscrit »
  • La culture populaire, « de taille bien plus considérable », elle « réunit un ensemble des plus hétéroclite allant des industries culturelles aux pratiques amateurs, des loisirs aux activités socioculturelles, de la technique aux distractions familiales ». Elle « réunit un ensemble considérable de participants »

Il note également le faite que la recherche ne s’est que très peu intéressée à ce qui ne fait pas partie des industries culturelles dans la culture populaire : « Comme si l’excellence de la culture méritait seule l’intérêt de ceux qui font des recherches sur la culture et ses médiations ».

La culture savante, par le fait qu’elle demande de forts « coûts de production » et des « professionnels experts », elle nécessite « l’apport ou l’appui de subventions publiques ou de la générosité de sponsors et de mécènes » :

« En outre, elle ne peut concerner qu’un public restreint et ciblé, lui-même doté d’un capital culturel et artistique qui lui permet de la goûter et de s’en délecter de façon autonome. »

L’auteur se questionne ensuite sur l’inaccessibilité de la création artistique au plus grand nombre, même si certaines formes d’art sont plus ouvertes. A l’inverse, il se questionne également sur les « formes de culture qualifiées de non savantes », leur production et leur public.

Toujours dans sa réflexion, il demande s’il y a une « étanchéité absolue » entre les deux cultures, mais aussi si « le savant peut-il se populariser » et si « le populaire se rapprocher du savant ». Puis il se demande d’où peut venir « cette forme de mépris pour les formes de culture non savantes », peut-être des lieux où elles sont présentes.

Il explique ensuite que les « formes de culture non reconnues » peuvent aussi accéder grâce à « une analyse experte ou la passion de zélateurs patients ou passionnés » à « la sphère de la culture savante ».

Les paradoxes de cette opposition entre deux « types » de culture

Daniel Jacobi rappelle ensuite l’objectif du dossier introduit par son article, Communication & langages : « faire apparaître et de discuter différentes paradoxes que masque ou caricature l’opposition culture savante/culture populaire ». Voici la liste des paradoxes relevés :

  • Premier paradoxe : « la culture populaire est une culture plus spontanée, moins intellectuelle et plus proche de ce qu’on appelle […] les arts moyens« .
    • Cependant, l’auteur donne l’exemple du « théâtre populaire », « pensé pour faire découvrir les classiques au plus grand nombre ». Il pose la question du savant de ce théâtre par rapport aux « pairs et contemporains ».
    • « La culture populaire a une histoire. Elle est complexe et sophistiquée. Dès qu’on l’analyse un tant soit peu, on en perçoit toute la richesse et la complexité ».
  • Deuxième paradoxe : « la culture populaire seule est capable d’attirer un très large public, voire de faire venir à la culture un public différent de celui de la culture savante ».
    • Cela confond « les publics et les audiences des moyens de communication de masse […] et ceux de la culture ».
    • Daniel Jacobi explique cela par une approche superficielle du sujet par les Cultural Studies : « Croire que le public des spectacles sportifs ou des concerts de chanson de variété, par exemple, n’est constitué que par des personnes issues des classes populaires est une erreur ».
  • Troisième paradoxe : « la médiatisation de la culture populaire emprunte des canaux de communication et des modes d’énonciation différents et distincts de ceux de la culture savante ».
    • Mais « Les manifestations de la culture populaire alimentent des conversations interminables »
    • Pour l’auteur, la culture populaire « n’a pas droit de cité dans les lieux institués de la culture et du savoir […], à moins qu’elle devienne un objet que l’on étudie, ce qui aura alors pour effet de la légitimer ».
  • Quatrième paradoxe : « la culture populaire n’a pas besoin de médiation et de médiateurs ». Les institutions ont réservé « le mot culture à la création artistique et au contact direct du public avec celle-ci ».
    • Mais aujourd’hui, « pas de culture savante sans médiation destinée à donner le change sur l’ouverture à tous. La culture est trop compliquée pour convenir à tous les publics. Il faut donc l’accompagner de dispositifs ou d’actions de médiation ».
    • « La culture populaire, quant à elle, serait spontanément accessible mais pour autant peut-elle faire l’économie des médiation ou des médiateurs ? »
  • Cinquième paradoxe : « la culture populaire s’impose comme culture à condition de confondre les deux définitions de la culture : celle des anthropologues (pour lesquels tout groupe humain est défini par des éléments caractéristiques d’ordre culturel) et celle des sociologues de la culture (pour lesquels la culture est un corpus d’œuvres et de créations artistiques élaborées). Cela reviendrait donc à préserver l’appellation de culture aux groupes sociaux les plus favorisés ou les mieux éduqués. »
    • Mais alors, on ne reconnaît pas la « qualité de culture aux pratiques, aux valeurs, aux croyances et aux goûts qui correspondent aux conditions de vie et à la position sociale des groupes dominés ».
    • Pour Daniel Jacobi, cela revient à refuser « à ces groupes le minimum d’autonomie symbolique qui fait qu’une culture, si dominée soit-elle, fonctionne comme culture ».

Alors que l’opposition entre culture savante et culture populaire semble « sans la moindre ambiguïté », Daniel Jacobi propose de l’interroger et de la remettre en cause. Il y voit trois séries de questions :

  • Quels sont les critères objectifs qui justifient une opposition savant/populaire ?
  • Dans quelle mesure la culture savante peut-elle devenir populaire et réciproquement le populaire devenir savant ?
  • Quelles sont les conséquences d’un brouillage dans lequel le savant deviendrait trivial tandis que le sens commun se hisserait dans la sphère savante ?

« Tandis que, symétriquement, des pans entiers de culture autrefois savants peuvent devenir populaires. »


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